jeudi 6 août 2009

Le conservateur [garanti sans ajout !]


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Un conservateur, c'est un gars, si tu le reçois chez toi un jeudi et que tu lui sers de la choucroute à midi, il faudra qu'à chaque fois qu'il vienne manger et à l'unique condition que la réitération ait lieu la veille d'un vendredi, tu lui remettes le même plat.

Le dimanche, par exemple, c'est poule au pot. Pas de Mc Do avec les gosses, pas de paëlla-party, ni jamais de cailles en chemise
[qu'il ne faut pas confondre avec la porteuse de burqa…].

C'est à dire que la poule au pot du dimanche, si tu n'y as pas goûté, tu n'es qu'un mécréant, voire un gauchiste. Tu es à table, ta paume touche le bois superbe de nervures lorsque se pose le morceau de poulet ripoliné de cette sauce au fumet incomparable. Sans remuer, à peine l'esquisse d'un souffle amène à ta narine l'agitation désordonnée des particules odorantes issues de la cuisson. Il y a du sel, du thym, le piquant des navets le dispute au sucré des carottes, tandis que par dessus s'étend paisiblement, l'océan doucâtre du riz cuit à point.

C'est l'immensité de se plaisir du dimanche que le conservateur recherche à tout prix. Retrouver le bonheur ressenti, répéter l'expérience puisqu'elle fut heureuse. Tenter par tous les moyens de revenir à ce qui a déjà plu.

Nous savons pourtant que le plaisir d'un premier baiser vient essentiellement du fait qu'il est le premier. Les suivants n'en seront jamais qu'une sorte de répétition, voire une stratégie rassurante mise au point par les deux partenaires. Ce qui ne les empêche ne rien de se surprendre de temps en temps et de frissonner des petites nouveautés, tandis que le conservateur se dit encore que c'était mieux la dernière fois.

La nostalgie, ça pue toujours un peu de la gueule*. C'est comme un vieux bout de viande que tu te décoincerais d'entre deux de tes dents en espérant y retrouver le goût envahissant du plat servi au diner. C'est une manière de regretter que le temps lui-même ne fasse jamais de sur-place, que les choses changent et que les générations, les unes après les autres, aménagent l'humanité à la manière qui leur conviennent. Chaque progrès est une perte, chaque pas un éloignement et chaque libération prend l'amplitude d'une déchirure…

* Citation de Daniel Mermet.

17 commentaires:

  1. Tiens, la poule au pot, tu t'y met quand ? J'ai jamais gouté...

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  2. La nostalgie qui pue un peu de la gueule, voilà une formule que je mets de côté.

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  3. Attendons d'être vieux quand même avant de se prononcer. Je sais pas, je crois qu'il y a plusieurs formes de nostalgie. Je crois qu'on peut être tout à fait nostalgique d'un temps qu'on a même pas vêcu, on glisse alors dans le fantasme absolu.

    Didier Goux chez Proust ou Dorham chez Sam Giancana, tu vois :)

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  4. Ce que je voulais dire, pour être plus clair, c'est que le monde qui est dans ton crâne est parfois plus beau que celui dans lequel on vit. Et la nostalgie devient pareil à une certaine forme de mélancolie.

    Un amour profond de la tristesse.

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  5. La poule au pot est une chose.

    Mais on est toujours nostalgique d'une bonne main au pot.

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  6. Le coup du bout de viande associé à la nostalgie est très bien trouvé!

    trés bon^^

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  7. Un conservateur a besoin quand même d'une pointe de sel (voire plus) pour ne pas rancir et d'un bon peu de poivre pour le faire réagir et relever la tête !!!
    (lol)
    Quand même, monsieur Poireau, tu as oublié dans la "poule au pot" :
    - un poireau tiens, à la chevelure bien ébouriffée, voire même plusieurs poireaux mais là, attention, il faut leur faire des tresses pour éviter que leurs petits cheveux dansent la sarabande dans le bouillon justement...
    - un rut (raccourci de rutabaga) le légume des temps de guerre par excellence, remis au goût du jour par une nouvelle génération de cuisinier... Cela adoucit (les moeurs sais pas) mais le tout c'est sûr et cela donne un parfum subtil, si subtil..
    - et l'oignon piqué de clous de girofle pour le fumet, monsieur Poireau, pour le fumet... je vais pas te faire un dessin... dis...
    - et le céleri (bon là faut aimer)

    après cela Melle Ciguë va être toute retournée....

    tu dis aussi "la nostalgie ça pue toujours un peu de la gueule (de la goule comme l'on dit en patois)" c'est l'évidence même surtout quand un vieux bout de viande élit domicile entre deux dents plus ou moins gâtées...
    quel parfum !!! très cher, dans l'air du temps... je me trompe...
    et puis je me gausse, je me gausse...

    @ Dorham
    J'aime bien le monde qui est dans mon (le mien de) crâne, il me permet de sourire, de rire, même de pouffer.... tandis que la vie à côté... brrrr...
    L'est pas chez Proust, monsieur Goux, l'est chez Camus... tu suis plus....

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  8. Non, non, je ne trouve pas la nostalgie si critiquable… C'est la vie qui rancie. En vieillissant, tant de choses deviennent décevantes, et le souvenir d'un passé meilleur aide aussi à reconnaître les dernières douceurs du présent.
    J'aime la poule au pot… La dernière, c'était chez ma grand-mère, il y a environ 45ans…

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  9. La nostalgie, ça pue de la gueule mais moins qu'un gars qui abuse du préfou... ;)

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  10. Je passais juste pour voir si la "poule au pot" était cuite...
    ben oui, et alors, j'avais envie d'en savourer une cuisse...
    stop, stop.. j'ai rien dit moi... je nage seulement dans le bouillon de la nostalgie...
    Ben...sur qu'on dirait que oui... y'a même des yeux - c'est pas vrai - dans le fameux bouillon...

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  11. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

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  12. Ca n'a effectivement rien à voir et ça fait preuve d'un manque de respect pour le taulier de ce blog qui s'est fatiguer à faire un beau billet pour le ravissement de ses lecteurs.

    Pour les questions débiles, il y a google.

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  13. François : oups, je viens d'effacer votre commentaire ! Je ne pense rien de votre démarche, c'est du spam !
    :-))

    Nicolas : merci !

    Les autres : je reviens répondre plus tard, un peu de patience ! :-))

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  14. Et hop tagué, là : http://polluxe.wordpress.com/2009/08/11/bloguer-au-mois-daout/

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  15. des pas perdus : qu'aurait dit Léo Ferré de cette époque ? Quelle colère ?!? :-))

    Mademoiselle Ciguë : vais voir ça, j'ao noté la commande ! :-))

    Frieda l'écuyère : bienvenur par ici ! La formule est de Daniel Mermet, citons nos sources ! :-))

    Dorham : Je ne suis pas vieux ? Ah chouette !
    Pour le fond, il serait long d'en discuter mais c'est un vaste sujet. Qui décide de ce qui est plus beau ou pas, à part nous-même ? La nostalgie est un choix, je pense !!!
    :-))


    Nicolas : euh… pas mieux !:-))

    François : ça doit être l'association d'idée avec la mauvais odeur ! Merci ! :-))

    Jeffanne : ah, la mauvaise odeur se confirme pour le bout de viande ! :-))
    [Ceci ets un blog bucco-dentaire !].

    LeCoucou : même réponse qu'à Dorham, on choisit d'être nostalgique, même et surtout inconsciemment plutôt que de continuer à se laisser séduire par la vie.
    Le monde n'évolue pas de plus en plus vite mais c'est nous qui préférons la lenteur !!!
    :-))
    [Enfin, je crois, c'est à discuter aussi !].

    Polluxe : si j'ai l'idée pour savoir comment m'en amuser, je ferais le tag ! :-))

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