samedi 25 janvier 2014

1968 [c'est pas assez !]

A un moment on t'a parlé de ces soixante-huitards* qui s'accrochent à leur pouvoir. On t'a dit que c'était à cause d'eux que les gamins ne pouvaient pas entrer dans la carrière. Et tu l'as cru !

Ceux qui te parlaient étaient pourtant les mêmes que ceux qui avaient, il y a peu, déplacé les usines vers des pays où les ouvriers sont moins onéreux. Ce n'est pas tellement que la modique somme de ton salaire soit pour beaucoup dans le prix total d'une machine à laver. C'est surtout qu'en fabricant moins cher ton lave-linge et en te le vendant à un prix raisonnable, l'industriel a augmenté son bénéfice.

Il n'a plus à te rémunérer et tu te jettes encore sur ses produits. Elle est pas belle, la vie ?

Pourtant, tu devrais les remercier les beatniks et toute la clique, ils ont tout obtenu de ce qu'ils exigeaient ! Par exemple, des femmes* libres de leur corps et qui prennent la pilule. Par exemple, des pédés qui peuvent aimer des pédés sans qu'on pense à allumer un bûcher. Par exemple, l'avortement. Par exemple, des enfants qu'on laisse s'épanouir selon leur personnalité. Par exemple, le droit à la parole et la majorité à 18 ans.

Tous ces changements dans nos mœurs sont, à mes yeux, les ondes sismiques de 1968*. En dégageant l'ordre établi, le mouvement aura ouvert toute la société. Les verrous de l'ancien monde ont sauté les uns après les autres. Toutes leurs demandes d'évolution et de libération ont abouti.

Et pendant que nous nous battions pour ce desserrement général de l'ordre social, une revendication, discrètement, semble avoir été oubliée. Quelqu'un l'aura glissée sous un tapis et l'on aura perdu sa trace. Pendant que tu mettais toute ton énergie à aérer cette société, les riches* ont continué de s'enrichir.

Si 1968 a été une réussite sur le plan des mœurs, ses idées n'ont pas encore infusé la classe des possédants. En 2013, jamais l'écart* entre les plus riches et les plus démunis n'a été aussi important…

[Inspiré par l'interview de Hanif Kureichi sur France 5*].


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Dans cet entretien, Kureichi
définit la vie comme amère
ET terriblement comique.
Je suis tout à fait d'accord.