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samedi 30 mai 2020

La bougeotte [c'est le nom d'une maladie ?]



























Peut-être que la plus belle des vies serait de renoncer à l'illusion du mouvement.
Comme si le but de l'existence pouvait être d'aller quelque part.
Comme s'il s'agissait avant tout de se déplacer à la découverte du vaste monde.
Comme si on nous attendait quelque part.
Mais personne ne nous attend, nulle part.

Peut-être faudrait-il abolir le désir de la bougette, cette manière frénétique de se mouvoir en tout lieu que nous avons en tant que groupe humain.

Effacer de nos tablettes, le terme de «voyage» et la forme verbale «se déplacer».
Pourquoi faudrait-il courir le monde alors que l'on peut rester ici, à contempler le ciel changeant ?

Peut-être vivre serait de se domicilier dans cette même rue où nous naquîmes.

Ne pas s'éloigner de plus de quelques pas de la source première.
Peut-être que vivre serait de déclarer forfait dès le départ.
D'en rester à ses racines et de n'en jamais démordre.
Une sorte de «je suis puisque j'y reste», n'en déplaise à Pascal.

Ils sont nombreux les exemples de personnes qui auraient pu mourir dans leur lit, dans le confort douillet de leur domicile personnel, plutôt qu'à l'autre bout de la planète et dans d'horribles conditions.
Ne pas aller plus loin que le bout de son nez, ça aurait évité bien des déboires à Pinocchio ou à Jeanne d'Arc.
 
Et puis qu'est-ce que ça nous a rapporté d'autant voyager plutôt que de rester chez nous ? La colonisation, l'esclavage, l'extermination de quelques peuplades, la liberté totale des circuits financiers et la mondialisation.

Alors, s'il vous plait, arrêtons de bouger tout le temps. Restons chez vous et consommons local.


Photo : Ako, guerrier comanche, par James Mooney, 1892*


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Question bêta : comment ça s'appelaient, les Amériques,
avant l'arrivée des Européens ?

lundi 18 mai 2020

Les arbres [Y'a quelqu'un ?]


On est à cette époque où plus personne ne parle aux arbres. La plupart du temps, nous nous comportons chacun comme s’ils n’étaient pas là. Eux qui ont connu nos grands-mères bébé, enfant, adulte puis sous les traits d'une vieille dame, se retrouvent aujourd’hui totalement ignorés. Nous débarquons chez eux, dans leur habitat et nous ne leur adressons même pas un «bonjour».

Il arrive que nous allions à la campagne, nous dégourdir les jambes, nous aérer les poumons, où pique-niquer, ou que sais-je encore, et que nous y passions toute une après midi, sans même que nous leur adressions un signe. Un vague regard peut-être, comme un détail dans un panoramique, en tant que partie d’un paysage, comme si le majestueux chêne planté là était équivalent à l’un ou l’autre des multiples cailloux qui constituent cette montagne.

Tu noteras qu’ils ne nous en tiennent pas ombrage.

Nous avons bien de temps en temps, ici ou là, un ou deux morts à déplorer. Un cycliste imprudent qui roulait sous l’orage fut tué par les branches d’un platane. On accusa l'orage. La maison d’une famille de quatre enfants se retrouva détruite par la chute d’un hêtre centenaire. Le coupable était le vent. Nous avons à présent si peu de considération pour cesgéants, que même leurs vengeances passent inaperçues.

Aucun humain n’irait imaginer qu’il s’agit là d’actes malveillants décidés par des êtres végétaux. Qu'ils le fassent sciemment, en plus.

Nous sommes le sommet de l’évolution animale et, sauf erreur de ma part, l’arbre est l’aboutissement d’une très longue adaptation du règne végétal aux conditions de vie sur Terre. Les arbres sont en quelque sorte nos égaux chez les végétaux. Les boss ultimes. Il est temps que nous les considérions comme propriétaires avec nous de cette planète.
Article 1 : sont interdites toutes les tronçonneuses et autres machines à découper des troncs. S'il faut vraiment qu'un arbre soit abattu, qu'il le soit de la main de l'homme et de sa sueur. Tellement d'années s'écoulent avant de devenir majestueux, c'est injuste qu'il faille moins d'une minute pour tout bazarder.
Nous devrions ériger la stèle de l’arbre inconnu au nom des armées de troncs que nous avons vaincues. Nous devrions débaptiser nos rues du nom de ces fabriquant de désert, Napoléon ses généraux, De Gaulle son cortège d'ombres, pour nous redonner des Allées des Tilleuls, des Boulevards des Acacias et des Avenues des Marronniers.

Photo : «Le poster mural trompe l’ oeil vous fait rêver» Archmagazine*

Nota benêt : La déforestation représente entre 12% et 15%* des émissions mondiales de gaz à effet de serre ? Presqu’à égalité avec le transport…