Personne n'a mesuré la force du brin d'herbe qui soulève sa plaque de bitume pour voir le jour. Cette info n'est pas sur les réseaux sociaux. Ni l'air des collines, ni les nuages qui se découpent en tranche dans les rayons solaires ne figurent dans le cloud.
Plonger les mains dans la terre grasse pour retrouver des pommes de terre. Les mottes, tantôt collantes, tantôt mietteuses qui consentent à la longue ; le tubercule qui se dévoile, ovoïde et encore secret des profondeurs de l'humus.
Nous sommes en train de nous faire enfermer dans le tout numérique. Internet est un lieu où tu n'es pas. Tu commandes numériquement puis tu reçois chez toi.
Tu ne vas plus te mêler aux autres clients de la pizzéria qui attendent aussi leur repas du samedi soir. Qui pressé de ne pas rater le début du match, qui impatient de retrouver sa belle, qui le baiser perpétuel à pleine bouche comme si s'arrêter de s'embrasser pouvait laisser une chance à l'amour de s'enfuir.
Tu ne vas plus magasiner derrière cette petite vieille qui déambule parmi les salades moins défraîchies qu'elle mais avec dignité. Tu te fais livrer.
Tu ne vas plus saluer les caissières.
Internet n'est pas le contraire de l'incarnation, c'est le lieu de la disparition.
Dans la grande marche du monde, des employés jouent ton rôle dans les lieux publics. Ils remplissent ton caddie, ils transportent tes sushis, ils te remplacent pour que tu restes chez toi et connecté.
Les réseaux sociaux ne sont pas de la sociabilité. Internet est un retrait du monde. Pour exister, il y a toujours une application.
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Il manque encore un service pour que
des employés partent en vacances en notre nom.
Tu resterais chez toi et ils t'enverraient leurs souvenirs.
Que retenir du tourisme si ce ne sont les traces mémorielles ?