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mercredi 1 juin 2011

Le mois de mai [encore !]



«Sur 68, ils sont intarissables. Même s'ils n'ont jamais jeté un molotov, jamais frappé un CRS ou un garde mobile, ni même jamais fréquenté un comité d'action ou un comité de base*. Ils dégoisent des heures durant sur des soirées de la révolte printanière, sur la spontanéité créative, sur leur prise de parole dans les meetings, sur l'atmosphère empuantie des rues au parfum de chlore. Ils sont tous pareils jusqu'au grand juge des sections spéciales !

Je n'ai même pas été surpris de lire dans une interview qu'il aurait été sur les barricades et qu'il se revendiquait du mouvement libertaire ! Lui, le tortionnaire* qui ordonnait la mise à l'isolement total pour détruire les prisonniers non repentis. Le juge Bruguière aurait appartenu à cette "pègre chaque jour plus nombreuse, qui rampe, enragée, depuis les bas-fonds de Paris, qui se cache derrière les étudiants et se bat avec une folie meurtrière" que décrivait le ministre de l'Intérieur de l'époque.

Le beau mois de mai a été récupéré jusqu'à la dernière miette par le folklore de la petite-bourgeoisie nostalgique. Tous les vétérans étudiants ont reconstruit les cadres de leur participation et leur souvenance dans le confort de la récupération schizophrène. D'ailleurs la vulgate veut que 68 ait été une sympathique attraction pour enfant sage.

"Non, le 27 mars n'a jamais été une réunion anti-impérialiste contre la guerre du vietnam. Ce n'était qu'un problème de dortoir de filles et de garçons".

Et dans les années qui suivirent, la bourgeoisie s'est chargée de réprimer tous ceux ne comprenant pas que la cloche avait sonné et qu'il fallait gentiment rentrer chez papa-maman avant de crever adulte dans un costard Kenzo ou Armani. Face à cette négation de la mémoire, Sartre a averti : "L'important c'est que l'action ait eu lieu, alors que tout le monde la jugeait impensable. Si elle a eu lieu cette fois-ci, elle peut se reproduire".»

Jean-Marc Rouillan - Infinif présent*

La photo est de Jean-Claude Seine et de son livre sur Mai 68*

2 commentaires:

  1. Tu fais faire tes billets par d'autres, maintenant ? ;-)

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  2. Nicolas : oui, bien sûr ! :-)

    [Je lisais ça hier et dans l'ambiance des campings partout en Europe ça m'a paru résonner de manière significative ! :-) ].

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