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vendredi 27 juillet 2012

La tonte [L'attente…]





[Ce serait plutôt un texte à jouer sur scène, vous n'avez qu'à imaginer].




Je vous raconte l'histoire d'un gars, mettons, c'est un copain à moi. L'autre jour, il faisait beau et comme par ici, le soleil c'est une énergie durable, mais pas longtemps, il en a profité pour tondre la pelouse.

C'est chouette d'avoir un jardin, ce n'est pas la question. Mais une fois qu'en tu en as un à disposition, tu te demandes comment faisaient les parents pour tenir le potager familial ? Comment trouvaient-ils le temps matériel ? Ou c'est qu'on mène une vie de dingue ou y'a un truc qui m'échappe.

Bref, revenons à notre pelouse. La Belgique, c'est un pays où, soit tu tiens tes fenêtres fermées parce qu'il drache comme la veille et l'avant veille, soit tu les refermes parce que dès qu'il y a un rayon de soleil, c'est concert à la tondeuse. Tu penses, dès que c'est un peu sec, c'est la précipitation, chacun s'empare de son matériel. Tu as tout intérêt à sortir ton engin avant que ça ne remouille.

D'un bout à l'autre de la rue, voisin après voisin, tout le monde se met soudainement et conjointement à faire des va-et-viens en poussant devant eux leur outillage. Ce n'est pas tellement qu'on a des hectares à cisailler, c'est simplement que si la météo ne se décide pas à accorder un ou deux jours de soleil de temps en temps, sauf à disposer d'une faucheuse, on se retrouve contraints d'opérer en plusieurs passages progressifs. Dans un sens et dans l'autre.

Et mon pote, ce jour-là, se donne du mal ; il ajoute à la tonte massive, le désherbage à la main dans les endroits que la machine n'atteint pas. Il essaie «d'améliorer par un apport d'humanité tout l'intérêt de cet espace naturel». Oui, il me l'a dit comme ça et j'ai réagi un petit peu comme vous : un jardin, ça n'a rien de naturel.

Le soir, sa compagne rentre, lui parle de sa journée en prenant un café puis s'en va vaquer à ses occupations jusqu'au repas du soir. Pas un seul mot sur la beauté implantée dans ce petit coin de nature. Pas une seule remarque sur l'harmonieux accord établi entre le respect de la flore locale et la coupe électrique à une hauteur maximale de 8 millimètres.

Tu parles, elle rentre, elle est fatiguée de ses huit heures de travail, elle est à mille lieues de penser à seulement regarder par la fenêtre. Il pourrait tout aussi bien avoir fait construire une petite maison en plein milieu de la prairie, ça passerait, pour elle, inaperçu. Elle est encore dans la digestion de ce qu'elle a vécu les heures précédentes, avant de pouvoir passer à table. Elle est même incapable de comprendre, à ce moment-là, le concept de l'horticulture.


Non, ce que je trouve intéressant, dans cette histoire, c'est la manière dont cet ami en arrive à attendre qu'elle lui dise quelque chose. Il s'est tapé son petit délire écolo, il a choisi de jardiner. Il a soigné la planète qui va beaucoup mieux depuis qu'elle est tondue. Le plaisir est là, dans l'acte consommé, le mouvement, la sueur. Pourquoi ressent-il ce désir impérieux qu'elle remarque cette action ? D'où lui vient cette nécessité absolue d'être approuvé, applaudi… reconnu peut-être ?

Ne peut-il pas jouir de son moment de plaisir solitaire à l'activité de plein-air sans que personne n'en témoigne ? Est-il dans l'incapacité affective d'imaginer qu'elle mène en parallèle, une vie personnelle ? Ne peut-il pas, par la narration de cet instant de sa félicité, glissé banalement dans la conversation, en exprimer la satisfaction ressentie ? Sans rien attendre en retour ?

Ce que je veux dire, c'est qu'on a l'exemple même du comportement de «petit tyran des proches» qu'on croise fréquemment. C'est en tout cas mon impression, regardez un peu autour de vous.

Ici, le mec imagine la réaction qu'elle devrait avoir. Il est tout seul dans sa tête à lui et son esprit invente ce qui pourrait se passer à un moment situé quelques heures plus tard. Selon lui.

Il a anticipé en visualisant l'instant de son retour lorsqu'elle découvrirait, souriante et ravie, l'amélioration apportée par l'humanité à cet espace naturel. Et bien sûr, tout autre chose a eu lieu. Comme c'était prévisible, rien ne s'est passé comme prévu. La réalité est venu recouvrir de sa froideur véritable, la caliente de ses fantasmes.

Il n'avait visiblement pas connaissance que le destin fait ce qu'il veut de nos illusions. Il se déjoue de nos machinations sans même y prendre garde. En fait, mon copain en veut à sa femme de ne pas avoir partagé avec lui, ce qu'il avait conçu. Un peu comme un enfant fait un caprice quand tu ne lui ramasses pas pour la 47ème fois sa putain de cuillère. Quand tu découvres que le monde autour de toi na va pas changer par ta simple volonté. Comme on vient de lui passer son rêve échafaudé, à l'eau froide, il faudrait que ce soit la faute de quelqu'un.

Comme s'il fallait venger ce désenchantement.

Pourtant, la vie est amusante dans son extrême créativité à contrarier nos calculs. Quand tu profites de ton imaginaire pour te laisser surprendre (sans regrets de ce qui n'aura donc pas lieu) par ce qui arrive vraiment, elle est extraordinaire.

Il est étrange l'esprit humain, si je puis me permettre de me prendre comme étalon de la généralité, ce n'est que maintenant, à l'instant, que je trouve le conseil de j'aurais du donner à mon pote quand il est venu partager cette déception : quoique tu prévois, envisages, planifies ou évalues : attend-toi à des surprises et apprécie-les. C'est LA vie…


Nota benêt : 1. dans ton jardin, la plante ne te remercie pas en fleurissant comme une moitié folle, c'est qu'elle profite que tu lui tues toutes ses concurrentes.  2. Toutes ces plantes qui affichent leurs organes sexuels en technicolor, je me demande si c'est bien raisonnable.


Cette belle image que j'ai secrètement nommée «Ken est assis sur la pelouse de Barbie» provient de ce site*


27 juillet, coucou @Le Coucou ! #1an …
 

11 commentaires:

  1. J'imagine la scène inverse.
    Elle vient de rendre sa maison propre.
    Il arrive et pose ses godillots trempés dans l'entrée. Et ça finit en drame.

    L'humain est égocentrique.

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  2. David Burlot : Bien vu ! L'égocentrisme est une plaie dans les relations aux autres et donc dans le couple ! :-))

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  3. Une scène de la vie quotidienne. Pourquoi ton pote ne lui a-t-il pas dit ce qu'il avait fait ? Ah ! les non-dits

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  4. Qu'est ce que mon blog fout en lien sous organes sexuels ?

    A part ça, oui... J'ai déjà connu la situation d'attendre des félicitations ou des remerciements et de ne rien voir venir...

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  5. Molinia : mes gens ne savent pas forcément qu'il faut dire les choses, simplement ! :-)

    Nicolas Dublog : je ne sais pas, j'avais envie de recoller un lien, c'est tombé là-dessus ! :-)

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  6. Cher Monsieur Poireau,
    Imaginez donc mille scénarios si cela vous (en)chante. La vie trouvera le mille et unième. Comme les nuits...
    Et tu sais quoi ? C'est pour cela qu'on l'aime !
    Tendre baiser sur votre front soucieux,

    Nora

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  7. Je te lis depuis longtemps à distance mais avec intérêt. Ce billet a réduit la distance. Damn it!

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  8. Nora Gaspard : quand tu dis "on" tu oublies la majorité des gens qui nous entourent qui au lieu de vivre au présent sont soucieux de l'avenir (que va-t-il arriver !) ou aigris du passé (j'aurais pas du !). La vie pourtant s'amuse de tout ! :-))

    AirDeFilm : merci. C'est à cause de la tondeuse électrique, tu es obligé de t'en tenir à la distance de la rallonge ! :-))

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  9. J'aime assez ce billet... Je pense que je suis de ceux qui enragent si on ne les félicite pas pour le pelouse. Dieu merci je n'ai pas de pelouse. Ni d'amoureux.

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  10. Merci Sylvainj ! C'est assez classique de réagir ainsi mais je pense que ça vaut le coup de se surveiller pour ne pas déborder ! :-)))

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  11. Matière à réflexion! Merci.

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