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dimanche 20 mai 2018

Chez E.Leclerc [commerçant, c'est puissant !]



Dans la dernière publicité télé pour les magasins E.Leclerc, les deux crétins qui incarnent l'identité de la marque depuis quelques temps racontent que les gens veulent manger mieux et qu'ils ont bien raison. Jusque là tout va bien, la grande distribution qui se préoccupe de la bonne alimentation, ça envoie du rêve. Mais c'est ensuite que ça se gâte : les deux olibrius expliquent alors que, comme manger mieux ça coûte plus d'argent et que ton salaire n'augmente pas, il faut aller chez Leclerc qui est moins cher.

En vil gauchiste que je suis, mon cerveau traduit aussitôt le propos : comme mon salaire n'augmente pas et qu'il y a peu d'espoir que cela change, l'enseigne se charge de faire pression sur le producteur pour pousser le prix à la baisse et que je puisse acquérir son produit. Le résultat de l'opération, si tu réfléchis, c'est que tout le monde reste pauvre sauf Michel-Edouard qui a facturé sa commission au passage.

Le monde de rêve que propose la grande distribution est celui-là : des clients pauvres qui achètent à des producteurs exploités au profit du distributeur.

La technique de chantage est bien connue : comme le producteur a besoin de figurer dans les rayons pour vendre son produit, il est totalement dépendant du commerçant. Il faut dire que les gens sont stupides, et moi le premier : 85% des courses alimentaires se font au supermarché, ce qui offre aux distributeurs le flingue pour tenir en joue notre société.

Ainsi en ce moment, Leclerc est en guerre contre Fanta. Ce n'est pas un petit producteur local de rien du tout, c'est le groupe Coca-Cola*. Quelqu'un chez l'épicier breton a dû découvrir dans un tableur Excel que ce soda ne rapportait pas assez. Pour obliger l'industriel à baisser son prix et augmenter la rentabilité, Leclerc a sorti l'arme lourde : plus de produits en rayon. Ça doit bien faire trois semaines (à ce jour) que la limonade orange a complètement disparu des linéaires.

Evidemment, dans ce bras de fer, tu peux jouer ton rôle de consommateur. Par exemple, quand tu vas faire tes courses, si tu as décidé d'acheter du Fanta et que tu n'en trouves pas en rayon, tu n'achètes rien d'autre. Si tu as cinq minutes et l'esprit frondeur, tu peux te rendre en caisse centrale, faire appeler le chef de rayon et exiger des explications sur l'absence de Fanta dans son rayon.

Mais si tu n'as pas le temps parce que tu es juste venu faire tes courses, il convient surtout que tu renonces à acheter autre chose que ce que tu avais prévu d'acquérir. Refuser d'acheter est la meilleure arme dont tu disposes en tant que consommateur. Parce qu'en plus de supprimer le Fanta de ton rayon, le magasin qui veut t'éviter le choc psychologique d'un rayonnage vide, va pousser pour te refourguer le produit de sa marque pour augmenter sa rentabilité.

Puisque chaque secteur fait l'objet d'une analyse de gestion, l'absence d'une grande marque doit absolument être compensée par la vente d'autre chose afin de maintenir le volume d'affaires du rayon. Et quoi de plus rentable pour le commerçant que de te refiler son propre produit plutôt que le leader du marché ?

Les marques magasin, il faudrait qu'on en parle un peu plus d'ailleurs.

Si au début, l'idée du supermarché était de regrouper en un seul lieu tous les produits parmi lesquels la ménagère pouvait venir faire son choix, on assiste aujourd'hui à un incroyable repli, la plupart des enseignes ne proposant plus que trois produits par gamme : la marque référence du secteur, sa copie au logo du supermarché et enfin, les produits tellement bas de gamme qu'ils sont sans marque, personne ne voulant associer son nom à ces ersatz.

La marque magasin, c'est quand ton commerçant va chez le producteur pour dire : dites donc les gars, il est vachement bien votre produit, les gens en veulent, c'est délicieux et tout, vous ne voudriez pas nous fabriquer le même mais moins cher et à nos couleurs ? Comme la menace est toujours là de se voir retiré des rayons en cas de refus, le producteur s'exécute, modifie sa recette pour rentrer dans les clous du cahier des charges et survit tant bien que mal à ces conditions.

Sauf que si le produit initial était un vrai produit de qualité, la baisse de prix pour l'adapter aux conditions exigées par le distributeur se fait au détriment du produit lui-même. Parce qu'il n'y a pas de secret et que la grande distribution n'a toujours pas inventé la pierre philosophale : la qualité a un prix et vouloir baisser ce prix, c'est baisser la qualité. 

Puisqu'on a la chance d'être dans un pays qui informe le consommateur de ce qu'il mange, tu peux vérifier dans les rayons en prenant le temps de comparer les compositions. Tu vas ainsi te rendre compte que les marques distributeurs, pour être moins chères, remplacent de la viande par du gras, ajoutent de l'eau dans les sauces, augmentent le taux de sucre et incorporent des épaississants pour la tenue.

Quant aux produits sans marque, c'est encore pire. Comme il n'est plus techniquement possible d'abaisser le coût des ingrédients, les producteurs vont utiliser toute la palette de la chimie moderne pour tenter de copier le goût initial. Il n'est plus du tout question ici de qualité mais uniquement de rendement.

Pour l'exemple, au rayon pâtés en conserve, si tu regardes en détail le contenu des petites boîtes, tu découvriras que les produits dépourvus de marque se composent pour la plupart de gras, d'eau et d'épaississant, la part de viande animale qui est quand même à la base le constituant du pâté n'arrive qu'ensuite en proportion. Je me demande dans quelle mesure on peut encore parler d'aliment tellement ça se rapproche du déchet.

Conclusion : si un supermarché vante la qualité moins chère dans une publicité, c'est vraisemblablement pour augmenter son profit en te vendant des merdes industrielles.


Nota benêt (extrait de la publicité E.Leclerc) :
mais quand c'est mieux, c'est pas plus cher ?

Rappel : pour mettre du beurre dans les épinards faut déjà avoir de quoi acheter des épinards. Même les petits dons sont les bienvenus [ —> ]
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Source : image extraite de la publicité télévisée Leclcerc* (je n'ai pas trouvé le nom des comédiens…)

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