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mercredi 11 octobre 2023

De haut en bas (aller sans retour)

 


 Le chômage en soi est déjà une punition.

Quand tu as validé ton inscription chez Pôle Emploi et qu'ils t'envoient le montant de ton indemnisation, ça devrait être accompagné d'un petit mot supplémentaire pour dire : «Vous venez de perdre un tiers de votre pouvoir d'achat, merci de vous adapter rapidement».

Tu retires de tes dépenses tout ce qui n'est pas indispensable. Le fait d'aller, le soir, manger dans des établissements qui cuisinent pour et mieux que toi n'est directement pas prioritaire. Pour faire tes courses, tu lâches le bio et les marque au profit des produits siglés de ton supermarché.

Tu ne vas plus au cinéma et tu n'accèdes plus à la culture (et tes gosses non plus). Tu ne sors plus prendre un verre et ceux que tu croyais tes amis s'éloignent parce que, c'est humain, c'est toujours eux qui paient.

Tout le système du chômage est concrètement punitif.

Même si tu es un bon chômeur qui respecte toutes les règles du bon chômage, personne ne te félicite. Si tu participes aux activités, si tu assistes à ta dix-septième session sur la meilleure manière de dynamiser son profil professionnel, même si, durant cette formation, tu fais profiter le groupe de ton expérience du chômage, personne de t'applaudit.

Même si tu envoies toutes les candidatures* qu'il faut, même si tu devances les besoins en proposant ton formidable curriculum vitae à des entreprises qui ne t'ont rien demandé, même si tu développes ton réseau de connaissances à des fins de prospection sur «marché du travail caché», personne ne t'appelle pour t'annoncer que ça va améliorer ta situation.

Tes revenus continuent de baisser et quand tu es tout en bas du truc, on te change d'étage et tu atterris au RSA.

C'est le moment où tu perds le peu qu'il te restait encore. Par exemple, la possibilité de choisir tes aliments. Tu n'as plus assez pour t'acheter à manger et tu dépends maintenant de ce qu'on veut bien te donner.

Ta vie sociale se découpe en tranches. Il y a l'après-midi à faire la queue aux Restos du Cœur et l'humanité des gens d'en bas. On s'échange des bons plans et des boites de conserve. On se refile des fringues pour les enfants mais pas que. Les plus pauvres, au moins ils ont, au plus ils sont prêts à aider les autres, c'est étonnant. On se deale des sourires et de l'entraide.

Il y a les heures de fatigue à lutter contre le système qui vous noie ET vous soutient. La CAF ceci, la banque cela, on dirait qu'ils se relaient les uns les autres pour créer des problèmes. Pour un papier oublié, c'est tout le dossier qu'il faut refaire, ce qui est compliqué quand tu n'as même pas les moyens de disposer d'un accès internet.

Et quand tu es bien fatigué de tout ça, on vient te dire que tu dois en plus travailler gratuitement pour te maintenir dans la misère. Mais il y avait du travail alors ? Pourquoi tu ne m'as pas embauché. Avec un salaire.


Source photo : Alexis Christiaen - La Voix du Nord

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