L'embêtant d'être Monsieur Poireau sur Twitter*, c'est qu'avec les 6000 et
quelques personnes qui acceptent de me suivre, les gens sont tentés de
croire que j'exerce une quelconque influence. Apparemment, il suffirait
que je demande à mes abonnés de voter Pépère ou Mémère pour que, comme un seul
homme, l'ensemble de mes abonnés se rende aux urnes et vote selon mon
opinion.
Non, non, n'y allez pas maintenant, c'est pas encore l'heure. Je vous dirai.
A
force, quand on me contacte, je deviens méfiant. Avant de prendre
position, avant d'adhérer au projet auquel on souhaite m'associer,
j'observe, je renifle, j'essaie de déterminer le degré de sincérité* de
mes interlocuteurs. Très souvent, je ne dépasse pas la première heure de
rencontre. Régulièrement, je m'éclipse discrètement, la déception au
cœur et la solitude à la semelle des chaussures. Ou l'inverse, c'est
selon.
Je suis ravi qu'on m'ait demandé de participer à la campagne des législatives pour les Français de l'étranger. Surtout de la part d'un candidat que j'avais déjà repéré.
Je pense même sincèrement voter* pour lui au mois de juin, à Bruxelles. Mais ce sera peut-être sans avoir aucunement participé à la promotion de sa canditature. Je
t'explique.
J'ai
d'abord été convié à un pot* d'amitié et j'ai pu rencontrer une partie
de la branche française du Parti. Tous ces gens se connaissent et se pratiquent de longue date. Je ne me suis senti ni
accueilli, ni en phase avec eux. J'ai mis ça sur les conditions
particulières de ce rendez-vous. Il n'est pas facile de créer des
échanges sincères avec un verre à la main. Surtout à la veille d'une coloscopie qui m'a obligé à repartir très
tôt pour cause d'interdiction de toute nourriture un petit peu sympathique.
Plusieurs
semaines se sont ensuite écoulées durant lesquelles j'ai tenté
d'obtenir un peu plus d'informations sur les participants. Qui
s'occuperait de la communication ? Quels seraient les axes de campagne
retenus ? Quelles seraient mes missions* dans ce dispositif ? Des
interrogations légitimes quand on travaille sur ce genre de projet. Il
ne sert à rien d'atteler ensemble quelques chevaux si on ne leur donne
pas une direction commune selon laquelle galoper.
Laissé
sans réponse, j'ai fini par reprendre contact avec l'assistante du député putatif avec
qui nous avons décidé de déjeuner. C'est une jeune femme charmante qui
travaille auprès des institutions européennes*. Je n'ai rien contre sa
personne mais elle exerce la profession de lobbyiste. Il faut bien
vivre, c'est évident. Si vous l'ignorez, ces salariés sont rémunérés par des multinationales pour expliquer directement à nos élus ce qu'il est bon de voter dans l'intérêt de leur commerce*.
Je
considère personnellement qu'il n'y a pas pire court-circuit à notre
démocratie*. Des géants de l'industrie financent à coup de millions
d'euros, des décisions politiques sans aucun rapport avec le mandat reçu
par nos représentants. Je crois aux idées, je crois au débat, je crois
aux échanges. Je m'oppose au marchandage des réglementations*
qui régissent nos existences. Qu'une lobbyiste se retrouve à piloter un candidat député, c'est la cerise qui a fait déborder le
vase. L'information qui a provoqué chez moi un profond malaise et une
réflexion du même gabarit.
Globalement, mon
sentiment, pour tout subjectif qu'il soit, est d'avoir croisé des Français expatriés en Belgique* qui ne
vivent qu'entre Français. Qui n'ont aucune idée des difficultés réelles qu'il
y a à s'intégrer parmi les belges. Qui sont ignorants et se foutent de
savoir si Bruxelles est flamandisée* et les francophones ostracisés. Des Français qui méconnaissent la
totalité de ce qu'on endure dans une vie de délocalisé pour
s'enraciner dans la capitale belge.
L'embêtant d'être Monsieur Poireau sur Twitter, c'est qu'avec les 6000 et
quelques personnes qui acceptent de me suivre, je me sens obligé à une
certaine honnêteté*. Si je m'engage publiquement à défendre une cause, je ne
m'autorise à le faire qu'avec la plus grande sincérité. Or, je ne suis
pas du tout convaincu par cette équipe autour de mon candidat…
_______________
Post-scriptum : j'ai fait savoir au candidat, avant l'écriture de cet article, mon sentiment de gêne. Nous sommes en contact par mail et il m'a proposé d'en discuter autour d'un verre. Il manque encore la date du rendez-vous mais je ne doute en rien de sa sincérité. A suivre dans un prochain épisode… ou pas.
_______________ Source photo*