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vendredi 26 juin 2009

Les raisons [dans mon état !]

CECI EST UNE FICTION




Hommage aux victimes de l'attentat de Karachi par Jacques Chirac, président de la République [photo Ouest-France]


Nous savons bien que cela peut toujours arriver. Nous l'imaginons tous à un moment ou à un autre ; c'est une pensée qui survient et qu'on tente aussitôt de chasser d'un geste de la main. Mais c'est lorsque cela prend forme dans la réalité, que nous comprenons combien on s'y attendait peu. Que votre enfant meurt avant vous est tellement contre nature.

Je suis resté sur place, cloué sur place, avec cette soudaine conscience de tout le chemin déjà parcouru et finalement le vide à l'arrivée. Je mesurais dans le même temps tout ce que je lui avais donné et ce qu'il me restait encore à offrir mais qu'il ne sera plus là.

Pour le reste des événements, je ne me souviens pas trop. C'est un peu comme un vieux film dont les couleurs s'effacent. On aperçoit encore vaguement les personnes qui s'agitent sur l'écran mais leurs traces sur la pellicule ne permettent déjà plus d'en retrouver les traits. Il y avait de la musique dans la cour, des gens sont venus parler et je crois bien qu'on lui a remis une médaille. C'était un peu vain d'imaginer qu'il aurait pu être fier de cette reconnaissance mais c'est pourtant bien d'y songer qui seul me permettait de tenir le coup. Un peu comme pour ne pas gâcher ces instants qui lui étaient dus.

Je n'ai presque pas pleuré, j'ai très peu démontré ma peine, rien n'est sorti de moi. C'était comme si je me retrouvais coincé en moi-même et que cela soit devenu trop grand, sombre et légèrement glacé. Mon corps me semblait d'un poids considérable.

J'ai revu la cérémonie d'hommage un peu plus tard. C'est monsieur Fernandez, le voisin du quatrième qui s'était occupé de nous l'enregistrer. Il y a un ou deux ans, on est allé lui demander pour transférer la VHS sur un DVD et c'est son plus jeune fils, Kevin, qui s'en est occupé avec son ordinateur. Je ne suis pas très habile avec ces choses là mais quand il est redescendu le lendemain avec le boitier tout plat dans la main et le sourire aux lèvres, j'ai vu qu'il était fier d'être parvenu à nous rendre ce service.

Mais je n'ai pas aimé retrouver ces images. Elles ont pris, du fait du travail de la mémoire, un minuscule décalage avec mes souvenirs. Les choses qu'on y voit sont devenues légèrement différentes de ce que j'ai pu en percevoir à l'époque. J'ai rangé le reportage sur l'étagère et il n'en bouge presque jamais. J'y jette un œil de temps en temps et les pensées qui me viennent à présent sont comme de paisibles gardiennes qui m'accompagnent.

Si j'ai fini par accepter sa mort, c'est qu'il fallait bien m'y résoudre. La vie est ainsi faite que nous n'avons pas d'autre choix que d'en suivre le cours. Bien que balloté de tout côté, nous nous efforcons d'y sourire et d'y faire bonne figure. Tout a perdu son goût et sa saveur et, la fourchette à la main, nous nous demandons pourquoi manger. Que voulez-vous y changer ? A quoi servirait-il de s'en plaindre ? Comme s'il était simplement possible que nous annulions la commande et que nous options pour un menu différent.

Il avait choisi ce métier par passion et il en connaissait les risques. Ce n'était pas sa route de devenir fonctionnaire ou coiffeur. Depuis tout petit, il aimait ce qui bouge et s'agite. Il passait bien plus d'heures à s'amuser dehors et jusque tard que scotché devant la télévision. Même quand il voulait lire, il s'installait à l'extérieur.

Nous savons bien que cela peut toujours arriver. Nous l'imaginons tous à un moment ou à un autre ; c'est une pensée qui survient et qu'on tente aussitôt de chasser d'un geste de la main. Votre fils travaille dans l'armement et vous essayez de ne pas penser au front, aux combats, aux missions de reconnaissance et même pas aux accidents toujours possibles lors des séances d'entrainement.

Je n'avais jamais craint un attentat. Je ne sais pas pourquoi, c'est un peu bête. Peut-être était-ce que je pensais notre pays abrité de ce genre de menace. Des raisons géo-stratégiques m'avaient épargné d'en concevoir l'éventualité qui m'est soudain tombée dessus ce jour-là.

Si j'ai fini par accepter sa mort, j'en refuse encore la cause. Je n'ose pas comprendre que les hommages rendus ont peut-être été faux. Ces politiciens, pour se lancer dans les discours émus, portaient les costumes de l'État mais n'en étaient que l'apparat. Ils venaient à la cérémonie officielle entre deux détournements de fonds, deux versements à vérifier sur des comptes dans des banques exotiques. Peut-être comme une perte de temps dans le planning prévu pour l'escalade vers plus hauts sommets.

Al Quaïda ne serait pour rien dans l'attentat.

Ce sont presque devenus les gentils de l'histoire tant
ce qu'on lit ici et là est horrifiant. Des ministres se seraient précipités afin de vendre à bas prix des sous-marins à nos amis pakistanais. Il faut croire qu'à l'époque, les affaires n'étaient pas au mieux de leur forme parce le gouvernement a marchandé au plus bas.

Ou bien c'est qu'ils étaient pressés de récupérer en douce quelque pourcentage sur le montant total des factures, qu'il n'y ait eu urgence à trouver de la fraîche. A moins qu'ils n'aient eu quelque projet à financer tellement vite qu'ils auraient oublié de rémunérer les intermédiaires locaux.

Mon fils ne serait donc pas mort pour la France mais à cause de simples agents commerciaux qu'un retard de paiement aurait énervés, à cause de promesses de récompenses pour la réalisation du contrat que les vendeurs n'auraient pas tenus. D'un bout à l'autre de l'histoire, la lumière apparait, les voiles se lèvent les uns après les autres comme autant de mensonges entassés.

C'est un peu vain d'imaginer qu'il pourrait être fier de cette vérité apparue mais c'est pourtant bien d'y songer qui seul me permet de tenir le coup. Un peu comme pour ne pas gâcher, de mon profond dégout, ces instants qui lui sont dus…


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Dans les affaires précédentes, il s'agissait de simples fausses factures au profit des partis politiques.
On est ici dans un tout autre cas avec une vente d'arme en-dessous de leur prix réel et détourner une partie des factures payées afin de financer une campagne électorale. Si l'on pouvait s'amuser de la succession de non-lieux que cela a donné au fil des ans, j'espère que cette fois, les responsables de la manœuvres seront retrouvés et sévèrement jugés.
Ils ont à répondre indirectement de la mort de onze de nos compatriotes.

mercredi 24 juin 2009

L'An 1 [et ça recommence !]


[copiée depuis ce site]


Le discours de Nicolas Sarkozy devant le congrés aurait, parait-il, coûté quelque cinq cents milles euros. J'espère qu'à ce prix-là, ils ont eu droit à des petits-fours bio parce que côté animation, il faut avouer que c'était assez décevant.


Pour un Président [nous voilà !] qui jurait lors de son entrée en fonction de vouloir la dépoussiérer, j'y ai surtout vu de la pompe et de la dorure à l'ancienne. Pour ce qui est des qualités orales de l'intervenant et malgré une teinture capillaire impeccable et refaite à neuf, c'était un peu tiré par les cheveux.

Si comme moi, vous n'avez disposé que d'une oreille pour entendre les belles paroles déclamées du haut de son perchoir, je vous offre un résumé : il faut continuer les réformes parce que la crise est à la fois une chance et une obligation de tout changer.

Puisque c'est grâce au modèle français que notre pays résiste le mieux à la crise, il est plus qu'urgent de le modifier de fond en comble.

J'ai failli écrire «du sol au plafond», mais que nos lecteurs les plus aisés se rassurent, le gouvernement restera tout à fait conservateur pour ce qui concerne votre pognon. Non seulement la moitié de vos revenus restera défiscalisée mais l'État propose même de vous rémunérer si vous aviez la gentillesse de bien vouloir accepter de la lui prêter.

Sarkozy propose l'impôt qui rapporte de l'argent aux riches !

Les innovations sociales imaginées sont plutôt destinées à nous de la piétaille qui pourrons non seulement profiter d'une généralisation du smic à tous les étages mais aussi du travail du dimanche bénévole jusqu'à nos soixante-sept ans obligatoires. Était-ce décent de convoquer un pince-fesses à 500.000 euros au palais de Versailles pour nous annoncer que les salariés pourront désormais mourir avant même de toucher leur maigre pension ?

Ce matin, les yeux à peine ouverts sur un jour nouveau et après un premier café bien mérité, nous apprenions que l'ère des grands changements était commencée. L'Histoire venait d'être mise en branle par le remaniement ministériel : Michèle Alliot-Marie passe de l'Intérieur à la Justice, tandis que Brice Hortefeux abandonne le social pour reprendre en main la Police.

Nous pouvons au passage, nous interroger sur le sens de ce mouvement giratoire à la tête des Ministères. Qu'un type comme Yves Jégo soit licencié pour avoir échoué à son poste est une chose logique dans cette culture du résultat prôné par notre Président [nous voilà !] mais alors, comment comprendre la mutation à ce niveau d'un Xavier Darcos ?

Il a lamentablement échoué à l'Éducation Nationale en n'atteignant pas un nombre suffisant des objectifs fixés par sa lettre de mission, il a merdé dans une bonne partie des missions qu'il avait à remplir, j'en veux pour preuve qu'on lui retire son portefeuille et, pour ces faits d'armes, on lui attribue en récompense, le pompon du Travail et des Affaires Sociales.

On voit comme rien ne change, les ministères sont encore et toujours des hochets qu'on distribue selon des visées électorales. On saupoudre ici et là, les postes subsidiaires afin d'amadouer la concurrence interne et l'opposition, on conserve pour la garde rapprochée les positions stratégiques.

A presque trois ans de l'échéance, Nicolas Sarkozy verrouille le dispositif pour la présidentielle de 2012. Il concentre ses forces sur ce que seront les thèmes de la campagne à venir mais qu'il commence aujourd'hui. Il attribue aux plus fidèles les positions charnières.

Le Président [nous voilà !] a beau venir tous les six mois, nous annoncer qu'il a changé, il reste ce qu'il est : un éternel candidat, une bête à concours de bel acabit, une sorte d'étalon électoral. Qu'il se méfie qu'à force d'aller et venir entre ces riens, nous le trouvions de moins en moins érotique…

lundi 22 juin 2009

Le discours [un concentré…]

Cette phrase, extraite du discours de Nicolas Sarkozy à Versailles,
à propos d'une meilleure répartition des richesses :


«Il faut que l'actionnaire soit justement rémunéré et que le travail soit justement considéré».

Edit de 20h50, le discours est en ligne sur Elysee.fr.
La phrase exacte est : «L’actionnaire doit être justement rémunéré mais le travail doit être justement considéré».

jeudi 18 juin 2009

Le débat [émission traditionnelle !]

Imaginons un sketch à interpréter sur scène :



[source]


Je regardais l'autre jour un débat à la télévision, le sujet, c'était : «Pour ou contre la burqa»

Personnellement, je n'imaginais pas qu'on puisse organiser toute une émission autour de ce seul sujet. Mais, quitte à la réaliser, on pourrait s'attendre à y trouver quelques conseils pratiques. On était sur le service public, tout de même.

Oui, évidemment ! Vous ne pensez pas que TF1 qui va se lancer sur ce créneau. A la limite, si on leur trouve des prostituées bien gaulées et qui racolent en burqa, ça peut commencer à les brancher.
Surtout si tu peux dégoter, parmi les clients, une ou deux stars déchues.
Les vieux chanteurs au bord de la misère, c'est un truc qui marche à chaque fois. Il faut croire que ça rassure le téléspectateur…

[Il marque un temps]

Moi, j'ai regardé toute la soirée en espérant que je pourrais y apprendre des trucs et des astuces : comment faire un ourlet correct au costume ?
Quel est la bonne température à choisir pour le réglage du fer ? Vaut-il mieux repasser sur l'envers ou sur l'endroit ? Quelles sont les meilleures grilles d'aération possibles ?

Ah ! Je vois que vous n'étiez pas non plus au courant mais il en va de la burqa comme du tuning : tu peux personnaliser l'engin.
C'est vrai qu'au niveau des accessoires, c'est assez limité.
Tu n'as pas le droit aux ailerons ni au caisson de basses assez puissant pour réveiller tout le quartier, mais tu peux parfaitement choisir la dimension du tamis.
C'est entièrement customisable afin de laisser à la femme, la liberté d'exprimer toute sa créativité ainsi que son goût pour la mode.
Comme elles ont aussi l'esprit pratique, elles optent assez souvent pour des gros trous l'été afin de permettre une bonne circulation de l'air et, en hiver, de la maille fine pour éviter de se les cailler.

Ce que je retiens du débat, c'est surtout que la burqa, c'est un peu comme le kilt des écossais : un costume traditionnel dont on ne devrait pas avoir peur.
Aussi longtemps qu'on ignore ce qui se passe dessous.

[Il marque un temps puis fait un sourire gourmand au public]

C'est vrai que si on imagine la fille à poil à l'intérieur du costume, les choses prennent tout de suite une autre dimension. Personnellement, j'ignore si le designer en chef du Coran a laissé des consignes.

Ah si ! Y'en a un !
[Il s'énerve]
On ne lance pas un mouvement comme ça, vous savez.
Dans chaque religion, ils sont obligés d'en avoir un au début, pour créer la marque.
Vous n'imaginez quand même pas que la robe orange et les clochettes du Dalaï Lama, ce soit venu comme ça, par l'opération du saint Esprit ?
Je vous prie de croire que ce sont des heures de boulot et de brainstorming pour affiner le concept.

Tenez, regardez, le petit chapeau rond des juifs. C'est tellement épuré, ça tient du miracle !
C'est tellement simple qu'au premier coup d'œil dans la rue, tu identifies la marque.
Au début, je ne sais pas si vous vous en souvenez, ils portaient aussi des boucles de cheveux sur les côtés mais ils se sont assez vite rendus compte que ça alourdissait plutôt qu'autre chose.
Il ont abandonné la coiffure et c'est devenu un phénomène mondial. A une certaine époque, ils étaient même très recherchés…

[Il reprend plus bas]

Je me souviens que, quand j'étais adolescent, vous savez, à cet âge où la foi se laisse aisément basculer par toute une bande d'hormones, je scrutais les religieuses sous leur voilette à l'église.
Elles étaient assises juste devant et il y avait ce moment où il fallait se lever pour aller recevoir l'eucharistie.
Tout le monde y allait, vous pensez, on avait supporté toute la séance que, même en français, on ne comprenait qu'en partie, ce n'était pas pour refuser de participer au buffet.
C'est vrai que côté alimentation, c'était frugal — juste un petit morceau d'hostie — mais d'un autre côté, personne ne venait présenter l'addition et on choisissait soi-même le prix qu'on voulait bien y mettre.

J'étais là, je remontais l'allée, petit pas après petit pas. J'avais tout le temps d'observer devant moi les détails du crâne à la fois dégarni et couleur lilas d'une mamie et soudain. Arrivé vers les premiers rangs, je tournais la tête sur la gauche et, par la lumière venue tout droit du vitrail latéral, je pouvais apercevoir leur visage par transparence.
Je découvrais le tracé de leur profil qui se découpait à contre-jour et, du front jusqu'au menton, en passant par le dessin des lèvres, je crois bien que c'est là que je me suis mis à croire au mystère de la féminité…


Dans le reportage d'Envoyé Spécial à propos de Stéphane Guillon,
quelqu'un disait que les humoristes
sont là pour appuyer où ça fait mal.
Que c'est exactement le rôle de l'humour.
Je crois qu'il avait tout à fait raison

mardi 16 juin 2009

Hououou ! [Chuuuuut !]*


Congrès SP 2006 (source)


Le même Parti Socialiste, qui conspuait hier Jack Lang parce qu'il était mathématiquement prouvé que le poids de son vote avait fait basculer vers son acceptation la révision de la Constitution, décide aujourd'hui de se rendre au Congrès assister au spectacle qu'y donnera Nicolas Sarkozy.

En guise de protestation et afin de faire entendre leur opposition franche et massive, ils resteront assis à leur place et garderont le silence. Ils manifesteront leur désapprobation en faisant le moins de bruit possible…

*Je dédie particulièrement le titre de cet article à mtislav
[correction orthographiques proposée :
Bratislava, antislash, slaviste, slavise.
Ça laisse rêveur…]

lundi 15 juin 2009

Les gardiens [vous avez du courrier !]


[source]



C'est quand le facteur débouche au coin de la rue et que le chien de la première maison l'aperçoit que commence la scène. Le molosse qui jusque là semblait dormir, la babine tombante et l'œil clos se retrouve soudain sur ses quatre pattes et se dresse tel le gardien infranchissable de l'habitation.


Son poil se hérisse au milieu des épaules afin de le faire paraitre plus imposant qu'il n'est en réalité ; sa joue se plisse de nervosité, se contracte jusqu'à révéler les canines et les molaires qu'il prévient pouvoir se servir. Les muscles du haut des cuisses se bandent et son corps trace dans l'air comme un léger balancement qui laisse penser qu'il pourrait d'un instant à l'autre bondir. Que quelque chose encore le retient.

Il se poste sur le perron et suit de l'œil l'apporteur de courrier. Ses mouvements le déplacent de manière à toujours l'avoir en face et ses grognements ne sont interrompus que par le flot des aboiements. Il projette en avant sa mâchoire qui mord le vide et lance un son rauque et répété. Cela résonne terriblement.

L'alerte est belle et bien lancée et ce sont successivement toutes les habitations en enfilade dans lesquelles réside un chien qui sonnent de jappements. L'une après l'autre, chacune des adresses destinataires se remplit de ces cris d'animaux.

L'employé des Postes connait le coin et sait parfaitement qu'aucun chien dans ce quartier n'est réellement méchant. Ils se contentent de faire leur boulot, celui dont ils se croient investis : leur mission est de garder la tanière de la meute et d'y interdire toute intrusion.

Ce qui leur semble étrange, c'est ce gars avec le même uniforme qui se pointe à la même heure, chaque jour que Cador, le d.ieu des chiens, fait. Qu'il neige, vente ou pleuve, il revient et cherche à s'approcher de la propriété avant que l'ensemble des gardiens, chacun son tour, ne lui rappelle que le pâté de maison est bien protégé.

Nous savons maintenant avec certitude et grâce au travail de chercheurs en toute sorte de chose qu'il s'agit là d'un exercice nécessaire. Le canidé trouve en cette pratique ancestrale, une sorte de bien-être. Garder la demeure et répondre victorieusement à la menace sont pour lui source d'équilibre.

Il est par ailleurs tout à fait convaincu dans sa tête de cabot que c'est uniquement du fait de son intervention que le préposé finit par quitter les lieux. Qu'il arrive que le manège routinier du facteur s'arrête et nous aurions sur les bras, toute une armée de toutous dépressifs. Ils auraient perdu non pas seulement l'occasion de s'exercer au cri guttural propre à la race mais avec elle, un certain sens de l'utilité. Devenu sans mission, ils se traineraient d'un pas pesant.

Observez un peu vos fidèles amis à quatre pattes un dimanche après-midi et dites-moi donc à quoi ils ressemblent ? Ont-il l'œil vif et l'air joueur ou bien ont-ils l'air sombre d'un italien quand il sait qu'il n'aura ni les femmes ni le vin ?

J'espère sincèrement que les personnes qui décident ces temps-ci de privatiser la Poste se rendent bien compte de ce qu'elles font. Le pays, après cela, se retrouvera découpé en zone plus ou moins rentables, définies par la quantité de courriers papier émis et reçus. Si l'on tient à ce que Tata Paulette profite de plus d'une visite annuelle, on sera obligé de lui écrire plus souvent mais avec un timbre hors de prix à cause de son idée désuète d'habiter la campagne.

L'ensemble des chiens de la nation, désemparé par la disparition de la régularité postale sera gagné par la déprime et finira par devenir obèse. Les maisons seront alors sans protection et ce sera le retour à grands pas, de l'insécurité avec ses hordes de cambrioleurs sanguinaires planqués derrière la porte et prêts à te couper la gorge en t'arrachant l'argenterie des mains.

Ce seront des dizaines d'appartements, de résidences, de logements, laissés en libre accès à la voracité insatiable des sauvages tapis dans l'ombre et sur le point de s'approprier ton lecteur dvd dernier cri et ta collection complète des CD de Michel Sardou.

C'est pour sauver les chiens qu'il faut sauver la Poste des griffes assassines de la privatisation programmée. C'est par amour pour tous les toutous que ce projet ne doit surout pas être voté par nos représentants. Evitons ce choc à nos plus fidèles compagnons et conservons-leur la Poste telle qu'elle est. Défendons le droit pour les clébards de se sentir utiles…

dimanche 14 juin 2009

Les trains [un article sur les billets !]


La gare de Troyes n'est pas un lieu [source]


Si tu vas dans une gare en France, c'est que tu dois prendre un train. Ou alors, c'est juste parce que, sur internet, tu as oublié de cocher l'option «imprime-le toi-même et à tes frais» et que, comme tout bon récalcitrant à la technologie moderne qui remplace les employés par des automates, tu préfères venir discuter le bout de gras avec un humain.

Nous rappelons à notre aimable clientèle qu'en effet, les employés de la SNCF ne sont pas seulement des grévistes porteurs de pancartes, de porte-voix et de drapeaux syndicaux en grève mais qu'ils sont aussi les responsables de toute la circulation normale des convois ferroviaires qui t'amènent à bon port ou à la montagne si la saison s'y prête.

Si tu es équipé de ton titre de transport en bonne et due forme, tu remarqueras qu'y sont mentionnés à l'aide de caractères compréhensibles par tous, l'heure de départ prévue, l'horaire d'arrivée espérée ainsi que le numéro exact du train et de la voiture où tu seras installé. Il y est même fait mention, pour plus de précision et afin d'éviter les batailles à coup de valises et d'invectives, du siège exact qui aura le plaisir d'accueillir ton illustre fessier pour toute la durée du déplacement.

On imagine assez aisément le bordel que cela doit être en gestion interne d'avoir à transformer chaque jour les 4.998.872 places disponibles en autant de voyageurs équipés d'un certain nombre de bras, de jambes et d'une corpulence que l'usage du calcul statistique pondère dans la moyenne [ce qui souvent m'arrange personnellement] afin de les amener à leur destination. Il faut toute une armée de guichetiers, de machinistes et de stewards, tout un ballet d'hôtesses souriantes et efficaces, un personnel prêt à affronter toutes les situations les plus incongrues, bref toute ta nation synchronisée pour être sûr que tata Jacqueline sera à l'heure pour s'enfiler son kir à l'apéro à la terrasse de Chez Germaine.

Il faut aussi des contrôleurs afin de contrôler qu'il n'y ait pas trop de cons dans les trolleys.

Si tu es parvenu à franchir toutes les étapes jusqu'au jour du grand départ, que tu as réussi à rejoindre le centre ferroviaire équipé de toutes tes valises remplies à ras bord de choses essentielles et que tu as sur toi, le fameux sésame personnel t'ouvrant grand les portes du convoi ferré, il te reste néanmoins l'ultime épreuve : le compostage !
Car s'il est bien une chose, parmi toute celles qu'a pu créer notre génie national, qui porte en son sein toute la grandeur de la France, c'est le célèbre composteur.

Tu as à la main ton billet personnel qui porte le numéro du train, de la voiture et du fauteuil qui t'ont été attribués par la Société Nationale des Chemins de Fer ; tu es le porteur unique de ce passeport qu'une organisation parfaitement efficace a bien voulu t'attribuer en échange du paiement d'une somme d'argent parfois rondelette [et que même l'usage du calcul statistique ne parvient plus à pondérer] mais il te faut tout de même glisser le bout de carton imprimé dans la machine prévue à cet effet afin qu'il y soit poinçonné.

Quelqu'un peut-il m'expliquer à quoi ça sert ?

Car enfin, ayant réussi à vaincre les éprouvantes épreuves menant au titre de transport, étant parvenu à fendre la foule immobile et mouvante de la gare qui t'empêchait d'accéder au quai libérateur, ayant sué sang et eau sous le poids de ton bagage et ayant avec soulagement déposé ton corps rendu tremblant de ces efforts à cette place qu'une technologie informatique dernier-cri n'a attribué qu'à toi et que nul autre ne saurait donc occuper, à quoi cela sert-il d'ajouter le folklore d'un poinçon machinal ?

Et pourtant, dans la plupart des cas, un billet légalement acquis par l'un ou l'autre des processus mis en place à cet effet, s'il n'est pas composté, s'il n'a pas été présenté à l'œil fendu et inquisiteur du composteur, te rendra redevable d'une amende payable à bord. Toute la grandeur de la France tricolore en une si petite machine, cela tient tout simplement du prodige…


[Et prochainement dans cette catégorie : le chèque bancaire…].