mercredi 7 mai 2014

Les petits animaux [sur le marché !]






J'aimerais revenir un peu sur mon expérience avec @Bibliocratie*. Pour ceux qui ont loupé les épisodes précédents, je fais un rappel des faits [si tu es au courant tu peux passer au paragraphe suivant] : j'ai été contacté par cette maison d'édition et je leur ai proposé un recueil de nouvelles intitulé «Les Petits Animaux» dont tu vois la couverture ci-dessus.

C'était joli, non ? [dis-moi oui, j'avais fait la maquette, c'était plus rapide que de l'expliquer].

Comme je fus, dans une vie antérieure, l'heureux créateur des éditions Filaplomb, j'ai trouvé tout à fait malin leur principe de publication. En gros, les livres sont d'abord présentés en ligne aux lecteurs potentiels qui décident de pré-commander le livre… ou pas. Quand tu sais que le principal problème d'une maison d'édition, c'est le coût du stock d'ouvrages qu'il reste à vendre, c'est un excellent moyen de tester une œuvre et de commander le juste nombre d'exemplaires chez l'imprimeur. Ça évite d'immobiliser une trop grande somme d'argent et de publier d'autres auteurs.

Dans la conversation préalable par téléphone avec l'éditeur, j'avais pensé qu'il était raisonnable de tabler sur une soixantaine de lecteurs intéressés par autre chose que mes tweets*. Même si on ne sait pas bien pourquoi on nous suit sur Twitter, au moins pense-t-on, que la qualité de la prose a son importance. Il s'en est trouvé vingt-six pour réserver leur exemplaire.

C'est évidemment très décevant mais comme disait ma psy : la vie c'est ce qui arrive, pas ce qu'on espère. Et puis, j'ai retenu pour moi cette réponse de Prince dans une interview où on l'interrogeait sur le grave problème des piratages de cd : «oh, vous savez, moi je fais de la musique. Vendre des disques, c'est le problème de ma maison de disque, pas le mien». En clair, tant que ça n'empêche pas d'écrire, ça ne concerne pas l'auteur.

Par contre, ça m'a permis de vivre de l'intérieur leur processus éditorial et ça, ça m'a particulièrement amusé. La première surprise fut lors de l'envoi du manuscrit. J'ai transmis le PDF et juste après on m'a parlé de la pré-maquette. Un tout petit peu habitué aux éditeurs de plus grande notoriété pour remplir régulièrement leur boîte à lettres, je m'attendais à devoir m'armer de patience. J'imaginais mes histoires lues attentivement pour en décortiquer la mécanique stylistique, je réfléchissais à telle ou telle variante pour ce passage-ci, que j'avais repéré plus faible dans l'ensemble, mais NON !

Expédition > Impression > Edition. J'avoue que ça n'était pas ma manière de procéder aux éditions Filaplomb. Si j'acceptais un manuscrit, il y avait, bien avant de prendre rendez-vous chez l'imprimeur, tout un travail sur la «matière texte». Même s'il n'existe pas de Bible de la Sainte Edition, c'est ainsi que je conçois ce métier. Mais, admettons, chacun fait comme il veut dans son logis, pourquoi pas. Néanmoins, cela m'a manqué d'avoir un échange avec l'éditeur sur les qualités littéraires du texte.

Je n'ai pas compté le nombre de coups de fil de l'éditeur pour «faire le point» durant la période de souscription. A partir du moment où le livre est mis en ligne, ils sont très présents. Pour moi, c'était trop mais je reconnais que ce critère est totalement subjectif. Dans le fond, ça part d'une bonne intention, vouloir être présent au côté de l'auteur.

Sauf qu'au bout d'une certaine durée, le compteur d'exemplaires pré-commandés restant au ras des pâquerettes et la date fatidique approchant à grandes enjambées avec son petit air méchant et le couperet à la main, le discours servi devient de plus en plus marketing. Et là, l'argument qui m'a fait bondir définitivement c'est : «Faites commander par vos proches, votre famille, comme ça on atteint le nombre d'exemplaires».

Mais nooOoon ! [Je pousse un cri]

Si je veux faire lire mes proches, qu'ils soient de ma famille ou qu'ils soient de ceux dont j'estime l'opinion importante, je leur envoie le fichier PDF. Encore prendrais-je la peine d'en discuter avant afin de connaitre leur intérêt à cette lecture. Parce que, non, ma famille et mes amis ne sont pas un marché auquel je souhaite vendre quoi que ce soit, encore moins mes propres écrits. J'ai bien un peu de narcissisme mais je n'en suis pas encore là.

Mais, outre le fait que cet argument pollue la notion même d'amitié, un autre sens me heurte. Là où @Bibliocratie possède un bon outil pour estimer l'éventuel succès d'un livre, ils y insèrent eux-mêmes le grain de sable marketing qui va casser la machine à «laisser faire le marché». Dès lors qu'il m'a été proposé, en tant qu'auteur, de faire commander par mes proches, ma famille, afin d'atteindre le nombre d'exemplaires, chacun des livres-candidats présents en ligne devient douteux.

Celui-ci qui caracole en tête des suffrages, est-ce qu'il a beaucoup d'amis, une famille nombreuse ou réellement des lecteurs impatients ? L'argument insinue la corruption de l’honnêteté des «votes». Il entache chacune des parutions à venir de cette marque infâme du soupçon. Est-ce un succès ou bien a-t-elle réussi une belle campagne de lobbying ?

— Tu as vu, Machin publie son autobiographie ?
— Tu penses, il l'a surtout fait acheter pour la totalité de ses mouflets.

Je n'ai pas tenu compte de cette demande. Je n'ai pas alerté mes amis, encore moins ma famille, faut pas déconner. Si je les appelle, ils vont croire qu'il m'est arrivé un truc grave. J'ai testé le potentiel de ce recueil de nouvelles et «il ne trouve pas son public» comme on dit pour se flatter gentiment après un flop. Le principe de la «pseudo auto-fiction» n'accroche pas. J'ai joué honnêtement le jeu de la souscription et ça n'a pas fonctionné. Comme disait ma psy : la vie c'est ce qui arrive, pas ce qu'on espère.

Ça ne m'empêche pas d'écrire et de prévoir d'autres tentatives de publications…


Remarque : on peut aussi voir le travail et les conseils de Bibliocratie
comme une tentative jusqu'au-boutiste de sauver un livre
auquel ils croient. Après tout, tout ceci n'est que mon interprétation.
 

vendredi 2 mai 2014

Imposer Google [La dîme des cimes]





Ces jours-ci, la presse se fait écho d'un Google, grande classe qui a provisionné un milliard de dollars afin de couvrir un éventuel redressement fiscal en France.

Il faut dire que l'entreprise leader dans le moteur de recherche est, de notoriété publique, championne du monde du slalom fiscal ; cette activité consiste à organiser administrativement ses différentes succursales comme autant de coquilles vides œuvrant à enrichir la boutique irlandaise soumise à presque pas d'impôts.

Fondée en 1999 et ayant gravi à très grande vitesse les étapes d'un développement mondial jusqu'à devenir un monopole de fait pour toutes sortes d'activités en ligne et sur l'internet mobile, Google a beau jeu aujourd'hui de passer pour un parangon de vertu.

En effet, après plus de dix années de ristourne fiscale, obtenue par la ruse du droit, qui lui ont permis de devenir «too big to fail» comme on dit chez les anglo-saxons (trop gros pour disparaitre), Google a tout intérêt à verser sa part aux économies européennes et mondiales.

Maintenant que nos dirigeants ont ouvert les yeux sur le hold-up légal opéré par les multinationales d'internet, quelle meilleure solution pour Google que de s'y plier de bonne grâce ?

Il a économisé durant toute sa montée en puissance et la mise en place de cette fiscalité nouvelle, bien que prenant une partie de ses bénéfices, lui assure qu'aucune autre entreprise ne pourra plus venir le concurrencer.

C'est en quelque sorte comme si nos responsables politiques adoubait Google dans son rôle de premier de la classe. Maintenant qu'il est là, on place des barrières et des obstacles pour lui éviter que quiconque puisse atteindre le même niveau.

Google a donc tout intérêt à régulariser sa situation. Si d'un côté cela lui enlève mathématiquement des richesses, cela le renforce légalement dans la place de seul et unique leader.

J'ai piqué l'image ci-dessus, sur ce site*