dimanche 20 octobre 2024

Bruno Retailleau [Pour la France !] - Chronique

 Photo de Bruno Retailleau

Ça n’est que mon sentiment personnel, j’ai de plus en plus l’impression que Bruno Retailleau est dans une forme de perversion jusqu’au-boutiste dans laquelle l’individu jouit à chaque fois qu’il pense avoir franchi un interdit. C’est le franchissement de l’interdit qui est le moteur. C’est très inquiétant qu’on lui donne du pouvoir.
 
Ça n'a pas l'air de l'atteindre que ses décisions affectent la vie des vrais gens.
Imagine s'il avait en plus le droit de conduire un SUV dans Paris.
 
C'est peut-être pour ça qu'on leur colle un chauffeur mais c'est un autre sujet.

Ça n’est que mon sentiment personnel, j’ai de plus en plus l’impression que c’est sale dans la tête de Bruno Retailleau. Si tu imagines l’intérieur de la tête de Bruno Retailleau, ça te donne envie de prendre un enfant par la main en lui disant :
-allez, viens petit, ne regarde pas ça…
 
On essaie tous plus ou moins de leur offrir une enfance préservée du chaos ambiant, entre les uns et les autres qui se tuent par centaines et la planète qui est bien partie pour nous tuer tous, autant qu'ils restent des mômes le plus longtemps possible, n'est ce pas, et puis il y a Bruno Retailleau qui salit tout.
 
Ça n’est que mon sentiment personnel, j'ai toujours des questions qui me viennent face à une personne  comme Bruno Retailleau qui n'a pour seule réaction face aux fragilités humaines que de vouloir faire mal aux gens.
 
C'est pas parce que tu dis que c'est «Pour la France» ou au nom de la patrie qui ça exclut d'avoir un minimum de respect, Bruno. 
 
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Nota Benêt : Liberté - Égalité - Fraternité, c'est pas une devise,
c'est une ligne de conduire. Ça s'appelle la République (qui est à nous).

 
 
Source : photo Julien de Rosa - AFP*

vendredi 11 octobre 2024

On est là ! [tétéhou!] - Chronique

 

 

[Photo des affiches électorales
d'Emmanuel Macron lacérées]

 

 

En ce moment et encore plus depuis la dernière fois qu'on a voté contre Emmanuel Macron, j'ai l'occasion de croiser des gens qui viennent me parler.
C'est ma nature, je ne sais pas pourquoi, j'attire la confidence.
J'ai arrêté de chercher à comprendre et j'en accepte le fait : régulièrement, je me retrouve à écouter les formidables aventures de parfaits inconnus.
La plupart du temps ça m'amuse (avec tendresse) parce que j'aime les gens.
C'est Dostoïevski, je crois qui soulignait que toute vie est un roman.

Sinon à quoi bon.

Je ne me suis jamais caché, tout au contraire, d'avoir été et de rester #GiletsJaunes.
(Il n'y a eu aucun fait qui démontre que les gilets jaunes se trompaient dans leur critique du président de la république.)
Ça participe, selon moi, à ce qu'en ce moment, et encore plus depuis la dernière fois qu'on a voté contre Emmanuel Macron, des personnes viennent me voir pour me dire que "ça va" péter.
Que les gens vont se révolter.
Cette fois, c'est sûr.
Ils vont trop loin.
La plupart du temps ça m'amuse mais j'ai quand même souvent l'envie de leur hurler dessus.

SI TU RESTE CHEZ TOI À REGARDER DANS TA TÉLÉ
POUR VÉRIFIER QU'Y'A DES GENS QUI MANIFESTENT
Y'A PERSONNE QUI MANIFESTE.

Mais je reste calme et je les écoute.

Au lieu d'être dans une démocratie réelle dans laquelle nous exerçons le pouvoir (qui est le nôtre), on le confie à des gars qui nous vendent qu'ils savent faire, vous allez voir ce que vous allez voir.
De la même manière, il semble que chacun attende que quelqu'un d'autre aille manifester en son nom.

Alors il sont où les #GiletsJaunes ? me demande-t-on.
Et quand je suis fatigué je réponds :
et toi, tu es où ?
on t'a pas vu beaucoup dans la rue ces temps-ci.
elle est où ta colère ?

 

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Nota benêt : C'est pas les chaînes d'info en continu
qui tuent la démocratie, c'est seulement
les gens qui restent plantés devant.


samedi 5 octobre 2024

La richesse [Parce que tu le veau bien !]

Entre ceux qui ne savent pas trop quoi faire de leur vie et ceux qui veulent en permanence se dépasser (alors que la plupart d'entre nous ne savons même pas où on va) je me permets d'avoir des doutes sur les qualités de la race humaine.

[Oui, on est tous des humains, c'est même pas la peine de poser la question, imbécile]

Et puis, il y a aussi les milliardaires.

Il faudrait quand même qu'on parle un petit peu de cette forme avancée de la folie qui consiste à accumuler de quoi acheter des trucs dont on n'aura même pas besoin, même dans un avenir proche.

L'argent, l'origine de l'argent, c'est un symbole de l'échange entre deux personnes qui font une affaire. Si au départ, un poulet valait deux lapins ou un kilo de cerises alors que ça n'était pas du tout la saison des machins à noyau, on a inventé un moyen de déplacer l'échange de valeur dans le temps.

On pouvait échanger le prix d'un lapin contre un écrit qui indiquait qu'on avait en réserve de quoi acheter un kilo de cerises. Ça n'a absolument aucun sens que d'accumuler de la valeur contre rien. De la garder pour soi. C'est le contraire de notre humanité qui a tout traversé avec les valeurs de l'échange.

Je ne dis pas qu'on ne s'est pas un peu tapé dessus de temps en temps et qu'on en n'a pas tué un bon paquet (et parfois véritablement très salement) mais je pense, je ne suis pas spécialiste, que l'humanité doit de toujours sa survie à sa capacité d'échange.

Conserver pour soi la possibilité d'un échange sans jamais faire d'échange est une forme de folie. Comment pouvons-nous collectivement penser qu'ils nous sont supérieurs parce qu'ils sont les moins en capacité d'échange ? Qu'ils bloquent selon leur bon vouloir, les mouvements possibles de l'humanité, la possibilité d'un échange.

Accumuler de l'argent est une forme de folie. Nous devrions en parler collectivement.

samedi 21 septembre 2024

Les gens humains [Les bébés et les petits vieux]

 


Les gens humains n'ont pas trop le temps de s'occuper de leur petit.

 

Alors qu'il ne sera considéré comme adulte, c'est à dire en avoir terminé avec la longue traversée des différents âges de l'enfance, qu'après ses dix-huit ans, c'est dès ses deux ans et six mois que le petit d'humains peut être confié à quelqu'un d'autre que ses parents.


Les parents de petit d'humains doivent retourner au travail.


Le travail est une activité qui consiste à faire quelque chose contre de l'argent pour que quelqu'un, ailleurs, gagne de l'argent mais plus. On peut fabriquer des aliments ou mettre des chiffres dans un tableur ou conduire un camion ou soigner d'autres gens humains. On peut laver par terre, servir à manger ou compter le nombre de taille-crayons dans un rayon de supermarché, les humains ont des milliers d'activités possibles. Si l'on a le choix, il est préférable de ne retenir que les tâches qui ouvrent le droit à une rémunération et préférable aussi, que cette rémunération soit considérée comme suffisante.


Parfois ce travail est utile à d'autres gens humains et parfois il n'a pas d'autre justification que de faire gagner de l'argent à quelqu'un d'autre quelque part. L'utilité est généralement sans lien avec la rémunération donnée en récompense.


Parce que le travail permet de gagner de l'argent (mais toujours moins que la personne quelque part qui gagne toujours plus) pour disposer d'un abri. C'est un minimum. Les gens humains n'aiment pas dormir dehors même quand il fait beau. Ou alors si, mais dans un lieu prévu à cet effet et qu'il faut également payer. Les gens humains appellent ça «des vacances au camping».


Le travail prive les gens humains de s'occuper de leur petit au-delà de deux ans et six mois.

 

Le petit des gens humains va d'abord dans des lieux d'élevage avec d'autres petits d'humains plus ou moins comme lui. Ou comme elle, bien sûr. Ensuite, on le place dans des établissements chargés de lui enseigner quelques informations sur la planète que les humains occupent. Le nom des plantes, d'où viennent les nuages et le carré de l'hypoténuse, par exemple.


Pendant que les gens humains sont au travail, d'autres personnes dont c'est le travail, inculquent aux petits d'humains toutes les informations nécessaires pour obtenir eux aussi, plus tard, un travail.

 

L'organisation de toute la société est centrée sur le travail, y compris dans ce qu'on enseigne aux enfants. Nous avons établi cette société dans laquelle il est plus important de connaitre par cœur le théorème de Jean-Michel Pythagore plutôt que d'apprendre la douceur des baisers, la caresse du vent de l'Est ou le massage cardiaque.


Les personnes dont le travail consiste à s'occuper des petits d'humains ont parfois elles aussi des petits. Elles doivent alors les confier à quelqu'un d'autre que leurs parents. Ce qui prouve que le système n'est pas basé sur le niveau de compétence.


Biens, plus tard, quand le petit d'humain est devenu adulte, qu'il a trouvé un travail qui lui permet d'avoir un endroit où se tenir à l'abri et qu'il a peut-être donné naissance à ses propres petits, le petit d'humains doit s'occuper de ses parents humains qui se font vieux. Alors qu'il est considéré comme adulte, le parent humain doit être confié à d'autres que ses enfants. Mais les gens humains n'ont pas trop le temps de s'occuper de leurs parents.


Parce que les gens humains doivent aller au travail.


[Image générée par Dall-E]

lundi 24 juin 2024

Dans le passé, les gens qui mangeaient leur caca le faisaient secrètement, avec un peu de honte. Quand on les interrogeaient, c'était anonymement, on modifiait leur voix, on les floutait pour que personne ne puisse les reconnaitre.

Aujourd'hui que c'est devenu une sorte de mode, des gens revendiquent publiquement de manger leur caca et qu'ils en sont fiers.

mercredi 19 juin 2024

L'Europe et Macron [c'est par où la sortie ?]

En 2005, les citoyens français ont clairement demandé par leur vote à sortir de cette version de la construction européenne. Ce scrutin a ensuite été mis sous le tapis et trahi par Sarkozy et tous les autres partis. Mais la colère citoyenne est toujours là. On ne la retrouve pas dans les médias mainstream qui sont tous animés par des journalistes convaincus que "l'Europe c'est super".
 
(je pourrais développer sur cette étrangeté
des professionnels du micro qui estiment
que le peuple se trompe quand il n'est pas
de leur avis mais ce serait un peu long)

A cette colère larvée de 2005 s'ajoute la détestation d'un président qui passe son temps à insulter les gens d'en bas.
Résultat : un scrutin européen 2024 où la colère du peuple réapparait au grand jour.

Selon ma compréhension du système, dans une république, il faut respecter le vote des citoyens et donc, la France ne devrait plus faire partie de CETTE construction européenne et devrait exiger qu'on renégocie les accords. Ce qu'aucun élu d'envergure n'ose faire.

En 2022, Macron a été élu mais, si tu regardes les chiffres, par une minorité du corps électoral. Ensuite, dans la foulée, les citoyens ont refusé de lui accorder une majorité à l'Assemblée nationale. Depuis 2022, on a donc un président qui gouverne CONTRE ce qu'ont décidé les citoyens dans les urnes. A coup de 49·3 et de décret, il fait comme s'il était au pouvoir légalement, ce qui n'est plus le cas.


Dans cette élection européenne, les citoyens ont redit au président qu'il n'était pas élu par eux.
La réaction de Macron face à la colère du peuple est très grave : la dissolution. Ce qui consiste à dire : «J'ai entendu le vote des citoyens contre moi, donc je vire tous les autres élus». Un bon gros doigt d'honneur à la république.

On va donc se retrouver [sauf sursaut citoyen à gauche] avec aucune majorité à l'Assemblée et donc une instabilité politique jusqu'en 2027.

Mon conseil : que Macron démissionne de son mandat et qu'on refasse une présidentielle.

Nota benêt : j'ai entendu Macron faire une intervention
publique hier pour dire "Le RN et le Front Populaire ne sont
pas républicains". Ce qui est encore plus grave puisque
ces partis et groupes politiques se présentent aux élections
t respectent le processus électoral. Bref, ce type
est dangereux. Qu'il démissionne.

mercredi 1 mai 2024

Je verrai toujours vos visages

fragment de l'affiche du film "Je verrai toujours vos visages", on y voit, vu d'en haut, un demi cercle de personnes assises chacune sur une chaise, au centre une table ronde en bois.

 

On peut aimer les films avec des monstres plus ou moins poilus et qui détruisent toute une ville en quelques minutes chrono ou même les histoires de voitures qui vont très vite en faisant vroum-vroum de manière ostentatoire, ce besoin parfois de gâcher un jeu de pneumatiques juste pour faire le mariole, ça m'échappe. Et puis aussi les films où c'est de l'humain qui se fendille, presque sans bruit mais au travers de mots exprimés en présence et à d'autres humains.

Ça n'est pas moins spectaculaire.

Quel grand film.

Toute la question est de savoir comment on peut faire un film qui montre les sentiments humains au travail sans que ce soit rébarbatif parce que la règle n°1 du cinéma, c'est quand même de ne pas emmerder les gens.

Tous les acteurs sont incroyables, à tel point qu'en citer un ce serait annuler les autres alors que c'est un tout. Miou-Miou est prodigieuse parce que Fred Testot est fortement fragile, Leïla Bekhti est juste dingue parce que tout le groupe est là pour l'amplifier.

Des victimes, des agresseurs, le camp du bien contre le camp du mal, ce sont les données de départ et, finalement, ça n'est pas si simple, comme tout ce qui nous concerne en tant qu'humain, les frontières ne sont jamais nettes, les limites floues.

C'est beau, voyez-le, ça parle de nous.

 

[Critique écrite pour SensCritique]

samedi 27 avril 2024

à ne pas rater (moment à passer ensemble au détriment du reste)

Nicolas Heredia et Sophie Lequenne dans "A ne pas rater"

Après la découverte de la formidable «Fondation du Rien» qui m'avait tellement enthousiasmé que j'avais interviewé Nicolas Heredia (ici), ce dernier a eu la gentillesse de m'inviter à aller le voir sur scène lors de son passage à Perpignan.

J'adore le théâtre. Vous pouvez découvrir de vraies personnes en chair et en os qui interprètent, en direct et avec le soutien de toute une équipe technique dans l'ombre,  un spectacle à votre seule intention, pour à peine plus cher qu'une place de ciné.

Ceci dit pour la catégorie sociale où je stagne, située non pas en bas de l'échelle mais sous le premier barreau, même le prix d'une place de cinéma est inabordable. Quand tu réduis le nombre des repas pour espérer tenir jusqu'à la fin du mois, il n'est pas envisageable de dépenser le prix de plusieurs kilos de pâtes pour une seule soirée. Je souligne à ce propos que plus personne parmi les élus du peuple ne semble se soucier que les plus pauvres parmi le même peuple puissent accéder à la culture.

Bref j'étais invité, merci Nicolas, ça c'est chouette.

Le public est plutôt bourgeois et majoritairement entre 45 et 60 ans même si j'ai pu apercevoir quelques cultureux qui se reconnaissent à leur dreadlocks et à leurs vêtements de style indien mais made in Bangladesh ou à leur manière de parcourir l'assemblée d'un grand regard circulaire un peu hautain.

En attendant le début, j'ai pu écouter la conversation de ce couple plutôt âgé, disons 65 ans chacun environ, assis juste derrière moi, qui déplorait que telle famille amie soit contrainte de vendre le château suite au décès du patriarche mais qui se réjouissait juste après que les enfants aient pris la décision de se partager entre eux les cendres du père (!). Ils ont ensuite projeté de partir soit à Bali soit de passer quelques jours dans leur résidence secondaire dans le Var, la question reste à trancher.

La vie des gens a l'air passionnante.

Je vais essayer de ne pas trop dévoiler le contenu de la pièce pour que vous ayez quelques surprises inoubliables lorsque vous aurez la chance de la voir (est-il prévu d'en faire une captation ?).

J'ai senti comme un vent de malaise à l'ouverture du spectacle.

C'est à dire que là où, habituellement, une pièce de théâtre commence avec des comédiens qui sont tout de suite dans la fiction qu'ils sont chargés de porter et d'incarner tout le long, on se retrouve ici face à deux comédiens assis sur une chaise, près du premier rang, en bord de scène, légèrement de biais. Un homme (Nicolas Heredia) et une femme (Sophie Lequenne), tournant le dos à un grand espace scénique presque vide avec un sol tout blanc, s'adressent directement aux spectateurs.

Pourquoi vous êtes-là ?

Et c'est à partir du sens de cette première interrogation, brutale et frontale, que toute la pièce va jouer. Qu'est ce qui fait que vous choisissez d'aller assister à ce spectacle plutôt que de voir une autre pièce ou un match de football ? Et, une fois que vous avez déterminé votre choix, qu'est ce que ça fait de ne pas assister aux autres spectacles ou aux autres possibilités que la vie offre ?

D'ailleurs, la vie, parlons-en, est-ce qu'il faut en faire quelque chose et si oui, pourquoi avoir justement choisi cette chose-ci plutôt que celle-là ? Et puis, est-ce qu'on est vraiment libres de nos choix ? Est-ce qu'il vaut mieux tracer une ligne droite, une belle vie bien régulière et, on le suppose, confortable ou exister dans le chaos de l'imprévu permanent ?

Tout ce dialogue qui rebondit du comédien à la comédienne et réciproquement a lieu pendant que le spectacle a véritablement lieu. Parce qu'évidemment, pour une soirée réussie, il faut du spectaculaire, du surprenant, de l'imprévu. D'une chute de ballons de baudruches à quelques pétards, les évènements spectaculaires se succèdent. Chacun est annoncé à l'avance par un grand chronomètre affiché sur l'écran du fond de scène.

Si les premiers happenings provoquent un peu de suspense et d'attente, très vite, ils ont lieu dans une sorte d'indifférence générée par la répétition. Les comédiens eux-mêmes prêtant de moins en moins d'intérêt aux comptes à rebours. Les évènements étant de toute façon, en eux-mêmes, totalement dérisoires.

A grands coups d'absurdité mais également en glissant sur le terrain d'une certaine profondeur métaphysique sur ce qu'est le fait de vivre, de choisir sa vie (est ce possible ?), Nicolas Heradia crée ce que je trouve être une grande pièce. C'est pas tous les jours qu'on voit, traité par l'absurde et le syllogisme, des questions aussi importantes, tout en explosant tous les standards du théâtre lui-même.

Et vous, pourquoi avez-vous choisi de lire cet article plutôt que de faire un autre choix ?

Nota Benêt : parmi les différents surgissements inattendus,
il y a un grand chauve avec une scie sauteuse
et puis une barre de défilement du temps totalement artisanale… 

 

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Écriture, scénographie et mis en scène : Nicolas Heredia - Avec Nicolas Heredia, Sophie Lequenne - Manipulation : Gaël Rigaud (le chauve !), Marie Robert - Production La Vaste Entreprise

*Photo (Marie Clauzade)

mercredi 24 janvier 2024

Les pauvres [ils savent !]

Bernard Arnault et Emmanuel Macron côte à côte dans un décor assez luxueux (c'est la Samaritaine)

 

Il y a 10 millions de pauvres qui ne mangent pas à leur faim, qui se privent de nourriture parce qu'ils n'ont simplement pas de quoi s'acheter un repas. On estime à 350.000 le nombre de personnes qui vivent dans la rue. Ce ne sont plus simplement quelques SDF ici ou là, ce sont maintenant des familles, le père, la mère et leurs enfants qui sont dehors en permanence.

350.000 c'est toute la population de la ville de Nice. Tu supprimes toutes les maisons, les logis, les apparts et zouh, tout le monde dans la rue. Pas comme on sort cinq minutes pour prendre l'air, ils vivent dehors. Ils font leurs besoins entre deux voitures ou derrière un bosquet du parc, près des balançoires.

Si j'ai ces informations, si toi, tu es au courant, est-ce que tu imagines que personne n'a prévenu l'Élysée et sa troupe de ministres  ? Est-il imaginable une seule seconde que personne n'ose le leur dire ?
- monsieur le Président…
- Quoi encore ?
- non, rien.


Ils savent.
 

Ils le savent que des citoyens de ce pays et des personnes qui aspirent à le devenir sont submergés sous la pauvreté. Ils le savent que la misère gagne du terrain et que même en travaillant, tu ne gagnes plus assez pour nourrir dignement tes enfants.

Ils savent qu'en augmentant de 10% la taxe sur l'énergie, ils vont augmenter le nombre d'échoués de la vie. Ils sont parfaitement informés de la situation.

Et ils viennent à la télévision ou à la radio, annoncer qu'ils vont te retirer ceci ou cela pour améliorer la situation. Mais mon vieux, après 35 ans à faire reculer nos droits sociaux, est-ce que nous allons mieux ? Collectivement, je veux dire ? En analysant à partir de la situation présente, est-ce qu'on a bien fait d'accepter de perdre nos acquis pour le bien du pays ? Est-ce que ça valait le coup ?

Autant personne ne souhaitait réélire François Hollande impuissant face à la courbe du chômage, autant Emmanuel Macron a réussi à vous faire passer l'idée que le chômage c'est à cause des chômeurs, la pauvreté à cause des pauvres et les milliardaires, parce qu'ils le valent bien.

Nous ne sommes plus en face d'un président qui simplement échoue à tenir ses promesses. Nous sommes avec Emmanuel Macron, en présence d'un président qui n'a jamais eu l'intention d'améliorer la situation du pays. Uniquement celle de ses plus riches amis.
- monsieur le président ?
- Oui, cher ami, qu'y-a-t-il ?
- C'est cette histoire d'impôt, là…

Tout est fait sous les yeux d'Emmanuel Macronet sa troupe de ministres. C'est délibérément que les gens souffrent. Ils savent


Crédit photo : Christophe ARCHAMBAULT / AFP

vendredi 12 janvier 2024

La Fondation [y'a rien, ça joue !]

     

Il existe aujourd'hui pour vous la merveilleuse possibilité de réserver gratuitement un certain temps d'une activité qui vous a toujours fait rêver (telles qu'une conférence sur « Le capitalisme, un modèle pertinent pour l'avenir ? » d'une durée de 3 heures ou un atelier de la série "running et philosophie" par exemple « La notion d'expropriation du temps chez Guy Debord » qui est prévu pour 1 heure). En quelques clic, et parfois un peu plus si vous vous égarez dans les recoins du site, vous avez le loisir de choisir de vous consacrer entièrement à autre chose que votre quotidien.

Et surtout, je ne vous dévoile rien, c'est même le concept du truc : vous pouvez conserver toute votre légèreté et ne surtout pas stresser puisque votre activité sera quoiqu'il en soit annulée au dernier moment.

Voilà, vous avez la possibilité de réserver du temps pour ne rien faire.
J'ai découvert ce projet artistique (totalement subversif dans son époque) il y a peu et je suis tellement enthousiaste que j'ai demandé à Nicolas Heredia de bien vouloir m'en dire un peu plus.
Il est à l'origine du projet avec la vaste entreprise. Vous pouvez aussi le retrouver sur scène, suivez les liens !




Quelle a été la genèse du projet ? Quelle était l'idée de départ ?
Nicolas Heredia : l'idée est née au moment où on travaillait sur le précédent projet, un spectacle qui s'appelle « À ne pas rater », et qui propose de prendre la mesure de tout ce que vous ratez pendant que vous assistez à ce spectacle. Donc une histoire de rapport au temps, de comment on emploie notre temps – sur une journée ou sur une vie –, et comment, même, on cherche le rentabiliser, puisque nous avons quand même assez largement digéré la logique capitaliste selon laquelle il faut tout optimiser, tout le temps. Et il se trouve que j'aime bien qu'à la fin de chaque spectacle, on offre aux spectateurs et spectatrices une petite édition qui prolonge la forme scénique : un petit livre, une série de cartes postales, etc. L'idée de la Fondation est née dans ce contexte-là : on distribuait à la fin de « À ne pas rater » le petit livret qui présentait le site de la Fondation, où l'on peut s'inscrire à une activité annulée pour se fabriquer du temps libre. Parce que j'ai l'impression que tout le monde manque de temps, ou en tous cas d'un vrai temps pour soi, d'un "temps vide de qualité". Comme quand on se réjouit, au lycée, qu'un prof soit absent : ça ouvre une plage horaire inattendue, on ne sait pas ce qu'on va en faire, mais on est content de ce grain de sable dans l'enchaînement de l'emploi du temps. Et puis, je sentais que le projet allait prendre une forme très hybride, devenir un objet artistique difficile à classer, et j'aime beaucoup explorer des modalités d'écriture que je n'ai jamais explorées avant.

Et donc, vous êtes allés voir les financeurs avec un projet plutôt subversif dans le climat du moment. Quelles ont été les réactions ? Est-ce qu'il y a eu des difficultés pour trouver des financeurs ?
Nicolas Heredia : en général, je cible assez finement les recherches de partenaires : je connais assez bien les projets des théâtres ou opérateurs culturels auxquels je m'adresse  et, vue la nature de mon travail, je cible en général les personnes un peu joueuses ! Heureusement, il y en a encore. Et puis il y a des lieux qui suivent et accompagnent mon travail depuis maintenant un petit moment : des fidélités se sont nouées au fil du temps. Il y a une confiance commune, une attention et une compréhension mutuelle. Et en ce qui concerne ce projet-là plus spécifiquement, il se trouve que les différents Centres nationaux des arts de la rue et de l'espace public (CNAREP), implantés dans différentes régions de France, lançaient un appel à projet intitulé "Hors Cadre", qui invite justement les artistes à imaginer un projet qui sortirait des cadres habituels – tant d'un point de vue artistique que dans leur mise en oeuvre, et dans la façon dont ils vont se frayer un chemin jusqu'au public. Ça tombait à pic. Nous avons candidaté avec La Fondation, et avons été lauréats

Comment s'est faite l'écriture "scénaristique" de tout le site ? Tout les parcours possibles de clic en clic, vous les aviez imaginés dès le départ ? (J'ai personnellement testé l'assistance téléphonique, c'est magnifique !).
Nicolas Heredia :
Cela faisait longtemps que j'avais envie de travailler une écriture en arborescence, qui est un principe assez fascinant pour un auteur, parce qu'en laissant le choix à chaque étape, on doit construire une sorte de "carte géographique" de l'écriture globale. C'est assez complexe – et long ! – mais passionnant. Cela met les personnes en situation de jeu, et c'est une chose à laquelle je suis très attaché, pour tous les projets, en essayant que cela prenne différentes formes à chaque fois. Pour la Fondation, je me suis très directement inspiré de l'écriture de jeux vidéos, mais aussi des techniques de marketing. Et les deux ne sont pas très éloignés, en fait : il s'agit dans les deux cas de donner envie de poursuivre, de cliquer, de passer au niveau supérieur, avec un principe de plaisir, de progression, de cadeaux, de récompenses. Et évidemment, j'ai pris un malin plaisir à détourner les techniques du marketing pour les tordre un peu et les mettre au service d'un truc qui n'a rien à vendre. C'est un des paradoxes qui sous-tend La Fondation, et c'était en effet une envie dès le départ.

On sent bien la volonté de se moquer des techniques du marketing en ligne pour faire du clic. Sauf que sur la Fondation du Rien, c'est évidemment du clic qui ne sert à rien. Est-ce que vous avez déjà des retours de l'expérience ? Est-ce que vous en attendez des retours et quels seraient les retours idéaux ?
Nicolas Heredia : les retours qu'on commence à avoir, c'est plutôt sur l'expérience de l'activité annulée : sur le site de La Fondation, à la rubrique Témoignages, on peut lire ce que les personnes nous racontent de ce temps libéré, comment elles se sont débrouillées avec ça. Des personnes nous suggèrent aussi des choses qu'on pourrait mettre en place, et c'est assez réjouissant. D'autres prolongent à leur manière la réflexion, avec pas mal d'intelligence et de fantaisie.
Après, pour ce qui est de retours sur le site, la navigation, la hotline, on en a encore assez peu. C'est le côté un peu frustrant pour des gens comme nous qui viennent du spectacle vivant, où l'on est habitués à partager ensemble un temps commun pendant la durée d'une représentation : là nous ne sommes pas avec les personnes quand elles traversent tout ce qu'on a mis en place. Mais on va aussi proposer ponctuellement des rendez-vous de La Fondation avec des théâtres ou des centres d'art, où on sera sur place pour rencontrer les gens. Cette idée du partage, d'un moment de convergence et de rassemblement nous importe quand même beaucoup !
Et pour ce qui est de retours idéaux, je ne saurais pas dire, parce que je crois que c'est bien de ne pas présager, justement... si les gens se prennent au jeu, s'emparent du truc à leur manière, c'est déjà très stimulant et joyeux pour nous. Et ce qu'on peut dire, c'est que les personnes qui adhérent sont de très bons ambassadeurs : elles en parlent autour d'elles, partagent, font voyager La Fondation... par exemple, en décembre, pas mal de personnes ont mis des livrets de La Fondation au pied du sapin à Noël pour offrir du temps à leur proche... et ça, je dois dire que ça me réjouit assez !

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Réservez-vous une activité sur —> Fondation du Rien

(interview réalisée en quelques jours en question/réponse par mail, merci de ta gentillesse, Nicolas ! - Crédit photo : © Marie Clauzade)