vendredi 22 juillet 2022

Internet [être ou ne pas…]

mains émiettant de la terre

Personne n'a mesuré la force du brin d'herbe qui soulève sa plaque de bitume pour voir le jour. Cette info n'est pas sur les réseaux sociaux. Ni l'air des collines, ni les nuages qui se découpent en tranche dans les rayons solaires ne figurent dans le cloud.

Plonger les mains dans la terre grasse pour retrouver des pommes de terre. Les mottes, tantôt collantes, tantôt mietteuses qui consentent à la longue ; le tubercule qui se dévoile, ovoïde et encore secret des profondeurs de l'humus.

Nous sommes en train de nous faire enfermer dans le tout numérique. Internet est un lieu où tu n'es pas. Tu commandes numériquement puis tu reçois chez toi.

Tu ne vas plus te mêler aux autres clients de la pizzéria qui attendent aussi leur repas du samedi soir. Qui pressé de ne pas rater le début du match, qui impatient de retrouver sa belle, qui le baiser perpétuel à pleine bouche comme si s'arrêter de s'embrasser pouvait laisser une chance à l'amour de s'enfuir.

Tu ne vas plus magasiner derrière cette petite vieille qui déambule parmi les salades moins défraîchies qu'elle mais avec dignité. Tu te fais livrer.
Tu ne vas plus saluer les caissières.

Internet n'est pas le contraire de l'incarnation, c'est le lieu de la disparition.

Dans la grande marche du monde, des employés jouent ton rôle dans les lieux publics. Ils remplissent ton caddie, ils transportent tes sushis, ils te remplacent pour que tu restes chez toi et connecté.

Les réseaux sociaux ne sont pas de la sociabilité. Internet est un retrait du monde. Pour exister, il y a toujours une application.

[Source image *]

 

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Il manque encore un service pour que
des employés partent en vacances en notre nom.
Tu resterais chez toi et ils t'enverraient leurs souvenirs.
Que retenir du tourisme si ce ne sont les traces mémorielles ?

mardi 12 juillet 2022

Le travail [ça fait mal…]

 
 
Le soir c'est une souffrance de devoir se coucher tôt pour être en forme dans la journée du lendemain. On abandonne ses amis à table, on ampute sa série impeccable, on renonce aux plaisirs de la chair, à se frotter l'un à l'autre comme deux allumettes dans un grand désir d'incendie. 
 
Le soir c'est une tristesse de ne pas y parvenir. Les aiguilles de l'horloge sont plus rapides que la vie dont on se passe. Malgré les renoncements à tout un tas d'activités de détente, on se couche trop tard et stressé de ce retard. Comme tu vas manquer de sommeil demain, ton cerveau t'empêche de t'endormir ce soir.

Le matin est une douleur.  Pendant qu'un songe érotique t'habite, quel que soit ton mode de réveil, c'est toujours trop tôt.

C'est une déchirure de laisser ses petits à la crèche parce que notre place est exigée ailleurs. De les confier à d'autres gens dont c'est l'emploi (et qui, vraisemblablement laisse eux mêmes leurs petits à d'autres gens dans une grande chaîne dont la stupidité saute aux yeux).

La lutte est difficile durant la matinée, alors que l'horloge démontre la relativité du temps en renonçant à avancer, alors que tu viens de te surprendre à sursauter des yeux devant ton écran, alors que ton corps t'informe par tous les moyens à sa disposition qu'il y a urgence à se reposer, de faire comme si ton existence tout entière était absorbée par l'importance de ce boulot.

Le travail n'est pas compatible avec notre mode de vie.

Le travail n'est pas compatible avec une vie saine et respectueuse de notre organisme.

Un salaire nous suffirait.

[Source image]