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mercredi 20 décembre 2017

Le chagrin …



Une jeune fille a dit «on a vu le train traverser l’autobus» et ce n’est pas possible de visualiser cela pour moi. Il y avait des enfants à l’intérieur qui rentraient du collège et l’idée de cette seconde est insupportable. C’est cette même seconde qui s’éternise pour les parents et pour les autres autour, que la mort a touchés, ce temps figé qui s’étend sur le village. Parce que ce n’est pas imaginable. C’est comme quand l’explosion a eu lieu trop près de ton oreille et qu’il faut du temps à ton tympan pour regagner sa place et retrouver sa virtuosité. C’est un temps abasourdi.

La cruauté de l’existence ne s’illustre jamais autant que quand elle s’en prend aux enfants. Il y a ceux qui sont partis, qui ont laissé vide leur chambre dans la maison, le vélo désormais inutile au garage, ceux qu’attendront longtemps les cadeaux préparés dans la hotte du père Noël et il y a les autres. Ceux qui étaient leur copain, celles qui étaient leur copine, ceux qui s’aimaient d’un amour cachottier, ceux qui s’asseyaient juste à côté en cours, ceux qui les détestaient, oui, même ceux-là se retrouvent démunis…
Il y a ceux qui recevront bientôt leurs cadeaux de Noël. Il y a toujours ceux qui ne sont ni d'un côté ni de l'autre, dans un lit d'hôpital et qui se battent. Il y a ceux qui ne fêteront rien, qui n’auront pas le goût à, qui seront offusqués, peut-être, que le monde continue de tourner malgré le poids de cette absence. Malgré l’inertie de la douleur. C’est comme marcher pieds nus dans la glaise tiède pour seulement traverser la cuisine. Ceux pour qui la fin décembre sera une période où la joie de vivre se congèle, année après année. L’hiver sera devenu la saison où fleurit le chagrin dans les jardins secrets.

Ce sont les choses concrètes qui blessent le plus, les petites habitudes du quotidien qui n’auront plus lieu, les rouages de la routine qui vont se gripper parce qu’il manque quelqu’un quelque part. Les bruits du matin quand la journée commence pour la famille, la comédie répétitive pour se brosser les dents, celui-ci toujours en retard pour s'habiller, les heures tardives pour une fièvre, un manteau sur un cintre, un paquet de céréales entamé dans la cuisine, des chaussures dans l’entrée, un iPad sur l’étagère…

Il y a un trou béant dans le sable et la marée viendra qui comblera ce vide, cette absence. Le cœur conservera dans sa cartographie intime cet emplacement. Les deuils sont des cicatrices que vient, de temps à autre, gratter le doigt de la mémoire ; c’est comme un écho lointain qui, très longtemps après, revient sur le devant de la scène.

Tu traverses ta vie sans plus y penser et puis un parfum, une certaine lumière, une étrange association d’idées et les morts enfilent de nouveau leur costume. Le chagrin, c’est une seconde qui s'étire sur toute la vie, plus ou moins…


[Source image : © RAYMOND ROIG / AFP]

dimanche 14 juin 2009

Les trains [un article sur les billets !]


La gare de Troyes n'est pas un lieu [source]


Si tu vas dans une gare en France, c'est que tu dois prendre un train. Ou alors, c'est juste parce que, sur internet, tu as oublié de cocher l'option «imprime-le toi-même et à tes frais» et que, comme tout bon récalcitrant à la technologie moderne qui remplace les employés par des automates, tu préfères venir discuter le bout de gras avec un humain.

Nous rappelons à notre aimable clientèle qu'en effet, les employés de la SNCF ne sont pas seulement des grévistes porteurs de pancartes, de porte-voix et de drapeaux syndicaux en grève mais qu'ils sont aussi les responsables de toute la circulation normale des convois ferroviaires qui t'amènent à bon port ou à la montagne si la saison s'y prête.

Si tu es équipé de ton titre de transport en bonne et due forme, tu remarqueras qu'y sont mentionnés à l'aide de caractères compréhensibles par tous, l'heure de départ prévue, l'horaire d'arrivée espérée ainsi que le numéro exact du train et de la voiture où tu seras installé. Il y est même fait mention, pour plus de précision et afin d'éviter les batailles à coup de valises et d'invectives, du siège exact qui aura le plaisir d'accueillir ton illustre fessier pour toute la durée du déplacement.

On imagine assez aisément le bordel que cela doit être en gestion interne d'avoir à transformer chaque jour les 4.998.872 places disponibles en autant de voyageurs équipés d'un certain nombre de bras, de jambes et d'une corpulence que l'usage du calcul statistique pondère dans la moyenne [ce qui souvent m'arrange personnellement] afin de les amener à leur destination. Il faut toute une armée de guichetiers, de machinistes et de stewards, tout un ballet d'hôtesses souriantes et efficaces, un personnel prêt à affronter toutes les situations les plus incongrues, bref toute ta nation synchronisée pour être sûr que tata Jacqueline sera à l'heure pour s'enfiler son kir à l'apéro à la terrasse de Chez Germaine.

Il faut aussi des contrôleurs afin de contrôler qu'il n'y ait pas trop de cons dans les trolleys.

Si tu es parvenu à franchir toutes les étapes jusqu'au jour du grand départ, que tu as réussi à rejoindre le centre ferroviaire équipé de toutes tes valises remplies à ras bord de choses essentielles et que tu as sur toi, le fameux sésame personnel t'ouvrant grand les portes du convoi ferré, il te reste néanmoins l'ultime épreuve : le compostage !
Car s'il est bien une chose, parmi toute celles qu'a pu créer notre génie national, qui porte en son sein toute la grandeur de la France, c'est le célèbre composteur.

Tu as à la main ton billet personnel qui porte le numéro du train, de la voiture et du fauteuil qui t'ont été attribués par la Société Nationale des Chemins de Fer ; tu es le porteur unique de ce passeport qu'une organisation parfaitement efficace a bien voulu t'attribuer en échange du paiement d'une somme d'argent parfois rondelette [et que même l'usage du calcul statistique ne parvient plus à pondérer] mais il te faut tout de même glisser le bout de carton imprimé dans la machine prévue à cet effet afin qu'il y soit poinçonné.

Quelqu'un peut-il m'expliquer à quoi ça sert ?

Car enfin, ayant réussi à vaincre les éprouvantes épreuves menant au titre de transport, étant parvenu à fendre la foule immobile et mouvante de la gare qui t'empêchait d'accéder au quai libérateur, ayant sué sang et eau sous le poids de ton bagage et ayant avec soulagement déposé ton corps rendu tremblant de ces efforts à cette place qu'une technologie informatique dernier-cri n'a attribué qu'à toi et que nul autre ne saurait donc occuper, à quoi cela sert-il d'ajouter le folklore d'un poinçon machinal ?

Et pourtant, dans la plupart des cas, un billet légalement acquis par l'un ou l'autre des processus mis en place à cet effet, s'il n'est pas composté, s'il n'a pas été présenté à l'œil fendu et inquisiteur du composteur, te rendra redevable d'une amende payable à bord. Toute la grandeur de la France tricolore en une si petite machine, cela tient tout simplement du prodige…


[Et prochainement dans cette catégorie : le chèque bancaire…].