Quand tu as Depardieu dans un film, tu te fous de savoir s'il joue Louis XIV ou un simple fromager. L'acteur est bon, tu te régales et ça devrait suffire. C'est ce que nous explique Laurent Baffie dans son film «Les clés de bagnoles».
Le pitch tient en quelques mots : l'histoire d'un gars qui a perdu le moyen d'ouvrir son véhicule passe une heure et demie à les chercher. Toi, t'es dans ton fauteuil de cinéma, tu es pris en otage par le réalisateur qui de toute façon à la maîtrise totale sur les événements.
Tu n'as pas le choix alors que, le type qui a écrit sa petite histoire, décide exactement de ce qu'il veut, quitte à ne pas paraitre réaliste. Mais ce n'est pas la vraie vie, c'est juste du cinéma et puisque tout est y possible, pourquoi se contenter des régles qui dirigent le monde ? L'auteur-réalisateur se régale à enchaîner les mises en abîmes et les ruptures, les personnages comme chez Tex Avery sortent du décor pour se permettre des commentaires.
Daniel Russo discute de son rôle avec Laurent Baffie en plein milieu d'une scène, se met à jalouser l'excessive sympathie du chien que le scénariste lui colle comme partenaire, les costumes ne sont volontairement pas raccord, les ellipses font exploser le récit, le font sortir de ses rails temporels et rebondir l'action. Le plus improbable devient alors possible et d'ailleurs, il arrive.
Les acteurs apparaissent derrière les personnages, le tournage est montré, l'équipe au travail et la mécanique de la fabrication, les trucages sont soulignés, détournés de leur fonction et les moyens dont le montage abuse pour tromper le spectateur (le flash-back pour la scène de cul par exemple) sont révélés. Sans cesse Laurent Baffie dénonce le mensonge que constitue le cinéma.
Mais, comme on se prête à croire aux extra-terrestres, à trouver touchant le petit chien qui pleure pile-poil au moment où la musique démarre, à vibrer lorsque l'héroïne reçoit enfin le baiser qu'elle espérait depuis trois bons quarts d'heure, il faut ici accepter le jeu que Laurent Baffie nous invente pour sentir des sentiers battus. A quoi servirait de nous refaire un énième film policier dans lequel le héros gagne à la fin, une comédie romantique dans laquelle le personnage masculin dépasse ses propres faiblesses, porté par un amour véritable ?
Laurent Baffie décide, au contraire, d'exploser le jeu lui-même avec un film dans lequel tourner un film est un des éléments de la narration. Il nous raconte que tout est faux, tout en nous emmenant à travers son histoire. On se marre de ses inventivités saugrenues, des répliques qui tombent juste et même des gags qui tombent à peu près juste.
Le film fourmille de trouvailles pétillantes, de clin d'œil en référence au cinéma [tiens, le magasin s'appelle «Les 400 coups»] et de cynisme quant au métier lui-même. Il pousse même le cynisme de la profession à son paroxysme en s'offrant une scène avec des dauphins, car comme le dit le Professeur Rolin en bon statisticien des succès de l'industrie cinématographique : «il faut une scène où vous nagez avec des dauphins : ils ont une cote de popularité incomparable».
J'ai pensé à la folie des Monthy Python, à l'univers éclaté de Marcel Gotlib [en guest star dans le film qui, soit dit en passant, se paie une sacrée brochette de grosses pointures !]. Un peu à Franck Capra dans l'utilisation des changements de rythmes dans le récit. Pour avoir lu les critiques à sa sortie, j'avais peur de m'ennuyer mais j'ai vraiment ri comme un crétin, je me suis fait avoir par cette non-histoire pour un vrai film. Je vous le conseille fortement.
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J'ai rien compris. Mais c'est normal : je ne vais jamais au cinéma !
RépondreSupprimerIl doit être Belge ce Baffi ! Surréaliste et plein d'auto dérision !
RépondreSupprimerJe confirme, A VOIR !!!
Nicolas : celui-ci, je suis convaincu qu'il te ferait marrer !
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Mademoiselle Ciguë : tout à fait surréaliste et désopilant ! :-))
Baffie me fait rire depuis longtemps.
RépondreSupprimerIl y a toujours ce coté surréaliste dans son émission à la radio que j'écoute quand je suis par là.
Son film, je l'ai raté à sa sortie. Ici, tu me donnes envie de le DVDéiser !
Merci!
;^)
Gildan : oui, ça vaut le coup de regarder le dvd, c'est franchement un film hors des sentiers battus et totalement délirant !
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Ah oui ? Tu vends très bien la chose, je me rappelle que ce film ne m'avait pas du tout attirée, mais ça devait être en grande partie à cause de l'inévitable cirque répétitif des émissions de promo...
RépondreSupprimerSi ça me prend, on saura qui est le coupable :-)
J'irai voir ça, ce que tu en dis est appétissant, et j'ai la fringale de rire en ce moment.
RépondreSupprimerCe billet m'a rappelé (quoique le rapport soit lointain) "Attention les yeux!", avec Claude Brasseur et Guy Marchand; le tournage d'un film porno…
Le Coucou : il est disponible en DVD, c'est ainsi que je l'ai vu ! Je me suis permis cette liberté sur le réalisateur qui te prend en otage pour souligner la maîtrise qu'il a de toute façon !
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nekkonezumi : c'était les critiques très mauvaises et toutes dans le même sens qui m'avaient découragé de le voir au cinéma. Comme quoi, je devrais plus souvent me fier à mon propre avis !
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visite de marmotte depuis chez Euphrosine....j'aime bien les poireaux
RépondreSupprimerannielamarmotte : you are welcome, comme on dit chez les anglophones !
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Ce film est vraiment très intelligent, drôle et n'a pas eu le succès qu'il aurait mérité. Si tu as aimé, tu peux aussi passer un bon moment devant sa pièce de théatre : sexe, magouille et culture général qui est du même genre mais qui a connu du succès (elle)
RépondreSupprimerA+
http://anotherwhiskyformisterbukowski.unblog.fr
AWFMB : merci !
RépondreSupprimerJ'ai entendu parler de sa pièce, je ne sais pas si elle passe un jour à Bruxelles. Sinon, hop, dvd !
:-))