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dimanche 20 mars 2011

Les réglages [t'as la notice ?]



L'impression que cela donne, c'est que les gens s'imaginent aller chez le psy comme on va chez le garagiste*.

— Je vous en prie, docteur, sortez votre clé de douze* et refaites-moi les réglages. C'est quand il est parti, ça m'a fait comme un poids sur le côté. Depuis, tout va de travers et je me sens bancale*. Docteur, vous pourriez me remettre d'équerre pour qu'à nouveau, ça tourne rond ?

Comme s'il suffisait de brancher la soupape sur le vilebrequin pour que ça carbure, la bielle au bout du piston pour que ça coulisse. Le cerveau humain est une machine formidable dont nous cherchons toujours la notice*. Les psys ne sont pas des redresseurs de torts.

Il n'est pas là pour te fournir des solutions* et te dire quoi faire. Il n'en sait rien, il n'a jamais été toi et ne le sera, a priori, jamais. C'est à toi qu'il revient de mettre sur la table, l'ensemble du dossier. De cracher le morceau que tu ne digères pas.


Le psy est juste là pour assister à l'accouchement*. Il te tient la main, te rappelle de respirer, t'encourage à pousser quand c'est nécessaire. Il te donne le rythme à tenir et te guide pour arriver à terme. Mais si tu décides que c'est prématuré, que l'heure n'est pas venue du soulagement, il ne peut rien pour toi.


C'est un peu comme un tennis, tu amènes ta raquette* et tes balles et le psy joue le rôle du mur. Il renvoie avec cette même force les coups que tu veux bien lâcher mais ne joue pas à ta place. Il relance tes passing-shots aussi longtemps que tu le souhaites mais c'est à toi de savoir s'ils sont bien réalisés…

Source illustration* 

dimanche 13 septembre 2009

Il y a des jours…



Il y a des jours, on perd sa mère.


C'est une journée comme les autres, on passe l'aspirateur et on range un peu les affaires que l'exigüité du temps disponible durant la semaine n'a pas permis de remettre à leur place.



Le samedi, jour du ménage.


Le chiffon à poussière, l'odeur d'encaustique et le ronflement du ventilateur ornent chacun des samedi de mon enfance. C'était aussi le steak frites du midi, quasiment le seul repas où nous étions tous ensemble à table, une sorte de rituel dont il me reste une magie en forme de madeleine.


Mon père, sans doute dans le but d'augmenter sa paie, travaillait quatre nuits d'affilée pour deux de repos. Il a continué jusqu'en 1997 pour prendre sa retraite et un cancer. Il l'a gardé jusqu'à l'arrêt de l'arbitre au mois de mai de l'an 2000.


Je suis désormais orphelin. Je prononce cette phrase à voix haute pour en mesurer le sens.



Si c'était une fiction, ce serait l'histoire d'un homme qui perd sa mère. Avec l'usage d'un masque de mots pour raconter la vie telle qu'il pense la comprendre. Cela parlerait évidemment de moi, malgré le changement de sujet.
L'impudeur est une forme extrême de la pudeur. Elle consiste à ne rien voiler, ne rien filtrer, jusqu'à atteindre la transparence, c'est à dire à la limite de l'invisibilité.


Il y a des jours, on perd sa mère et cela oblige à remuer des souvenirs et des ressentis qu'on pensait définitivement classés aux archives. J'ai passé les trente premières années de ma vie à chercher d'où provenaient tous mes dysfonctionnements et consacré plus de six autres à décortiquer l'architecture intime de mes propres constructions.



Je ne saisis pas pourquoi le cabinet des psys est statistiquement plus fréquenté par les femmes ; démonter les choses pour en saisir la machinerie est pourtant une attitude de gars.



Je suis passé par différents niveaux de compréhension jusqu'à fouiller les bas-fonds de mes pensées les plus sombres, taquiner les monstres tapis dans l'ombre d'un coin de la mémoire, les minuscules et étranges petites bêtes que la pensée s'invente quand elle est à cours de distraction.
J'ai écouté ma propre parole, posé le cul de mon langage sur la commode du sens. C'est un meuble orné de multiples tiroirs tout enjolivé de motifs rutilants et colorés.


On ne peut pas reprocher à quelqu'un d'être ce qu'il n'est pas, ni lui en vouloir de différer de nos désirs intimes. On peut toujours essayer, chacun est libre de sa route. Pour l'avoir arpentée plus souvent qu'à mon tour, pour m'y être acharné, je sais que c'est une voie sans autre issue que celle de son propre épuisement.



On ne peut détester éternellement sa mère de ne pas tenir convenablement son rôle dans l'utopie mentale qu'on se fabrique. Pas plus qu'on ne peut arracher de soi-même ce besoin anachronique de provenir d'un amour fondateur.



La thérapie m'a permis de détacher l'un de l'autre et d'en accepter la réalité concrète. Je suis né de cette femme incapable d'être à la place que je gardais pour elle. J'ai constaté la discorde et jeté l'amertume. J'ai accepté le hiatus entre le fantasme et l'impossibilité de sa réalisation.



Je ne l'ai pas exonérée pour autant du mal qu'elle a pu causer autour d'elle. Je sais pour avoir eu quelques échanges avec ses frères et sœurs et par la parole de gens qui l'ont connue d'une toute autre manière, que ce n'était pas là uniquement l'objet de ma fabrication. Elle était une sorte d'handicapée des relations humaines, l'incapacité incarnée d'un seul bloc en la matière, comme un prototype raté, une expérience hasardeuse telle que la nature en tente parfois avant de renoncer.



Je suis né de cette femme et vous trouverez en moi certaines de ses colères, des restes de ses inaptitudes dans mes comportements, quand bien même je travaille à m'en défaire. Je viens de là et je prolonge tant bien que mal une ornière dont j'essaie de changer le cours.



On ne peut éternellement détester sa mère et s'accepter soi-même. Or, il est question de vivre…



La cérémonie de crémation est prévue mercredi, nous amènerons ses cendres au côté de celles de mon père et le chapitre sera clos.