jeudi 15 décembre 2011

L'humour [Je partage !]




L'humour est une chose très difficile à manier*. Comme l'esprit humain se lasse assez vite de la répétition, bien que cela puisse amuser tout autant, il faut sans cesse lui réinventer des surprises. Ce qui amène l'auteur humoristique à se rapprocher au plus près des limites.

Avez-vous déjà remarqué que, quand les enfants se marrent, mais qu'ils en sont en même temps gênés, ils ont ce O de la bouche et qu'ils mettent la main devant pour venir le cacher. Ce qui est assez stupide parce quitte à envoyer un message labial, autant qu'il puisse rester visible. Mais ce sont des enfants*, nous savons qu'ils ne sont pas comme nous.

Faut-il se moquer des enfants ? Ce qu'il faut en penser, bientôt dans votre télévision. Un «C dans l'air» avec des spécialistes du comique qui n'ont même pas un exemplaire sur eux. Les mêmes qui, dans leur obsession de gestionnaires*, m'obligent à glisser une vanne à cet endroit précis du texte. Parce que l'humour, c'est aussi une question de rythme.

Il n'y a aucune plaisanterie dans la phrase précédente. C'est le lecteur qui fait son texte, l'auteur ne peut que proposer des pistes. Certains d'entre vous ont, sans nul doute, pris le temps de la relire mot à mot afin de rechercher l'emplacement de la badinerie, convaincus qu'il y avait quelque chose à découvrir. Je vous ai déjà expliqué le comique de répétition ?

Il y a eu un drame à Liège, vous êtes au courant ? Un type connu de la police, 33 ans, qui balance deux grenades puis qui tire à la kalachnikov dans la foule. Quand on lit ça, on est content de n'être pas là-bas, de n'avoir pas eu à vivre ça et de ne pas devoir se souvenir toute la vie de ce à quoi on a réchappé ou ni de ne pas avoir eu à vivre* cela alors que la personne disparue, oui. Qui était notre personne.

Il y a chez l'humain*, cette qualité d'empathie envers les victimes. Un phénomène d'identification dont l'humour protège. Le rire est ce qui permet de mettre à distance ce qui nous atteint de trop près. Chacun d'entre nous possédons une certaine capacité d'empathie. Mais comme il y a les plus ou moins bons et les plus ou moins méchants, il y a les blagues plus ou moins drôles. C'est selon votre vécu, votre culture et votre niveau de contrôle sur les émotions.

Sur Twitter, à propos de la tuerie de Liège*, je me suis permis de chercher cette limite ténue entre le drôle et le pas drôle. Ce qui marque la distance entre ce qui nous touche et ce qui nous touche au point qu'on ne puisse pas encore en rire.

Le tueur, dont on ignore précisément (au moment où je rédige cet article) s'il s'est tiré une balle dans la tête* ou s'il a été abattu par la police, s'appelait Noredine Amrani. J'ai donc écrit : 
« Si tu t'appelles Noredine Armani, tu as doublement raté ta vie. Quoique ».

Ce qui n'est absolument méchant pour personne, tu peux relire calmement. Je t'ai déjà expliqué le comique de répétition ?

Plus tard, comme il existe un moyen technique* de barrer du texte dans Twitter et de profiter de cette astuce graphique pour suggérer que l'auteur a lui-même biffé son manuscrit, j'ai diffusé :

« Tweet auto-censuré : Noël à Liège, ça sent le sapin ».

J'admet que ce dernier était vraiment la limite de ce que je me suis permis et c'est en découvrant que quelqu'un avait créé un groupe Facebook pour appeler* à une marche blanche en mémoire de Noredine Amrani, que je l'ai personnellement dépassée. Même si je continue de défendre l'idée qu'il nous faut rire de tout.


Illsutration : photo de Paul Farrer, droits réservés*

lundi 12 décembre 2011

Les puissants [un euro fort !]




C'est à croire que les financiers ont tout fait tout seuls. Ils sont arrivés un jour avec leur argent et ils ont acheté les gardes-frontière et les douaniers pour qu'ils tournent la tête, le temps de faire passer la marchandise. Ah oui parce que jusque là, chaque pays percevait pour l'entrée sur son territoire*, une taxe plus ou moins élevée selon la géographie.

A vrai dire, on le sait, ce ne sont pas les gabelous qui se sont enrichis* dans l'histoire. Les types étaient peinards dans leurs cahutes*. Ils n'allaient pas eux-mêmes scier la barrière sur laquelle ils étaient assis. Ce sont bien nos élus, ceux qu'on avait envoyés à la Capitale pour défendre nos Droits qui s'en sont occupé.

On ne sait pas vraiment pourquoi mais tout le monde s'est mis à croire que moins les États prélèveraient d'argent sur le commerce plus la population serait riche*. Oui, je sais ça a l'air stupide et c'est quand tu réfléchis bien, que tu te mesures combien ça l'est vraiment*.

On était sortis de la servitude par la construction d'un État Républicain. Le but était d'être plus puissant que les puissants*, tout en élisant de temps à autre nos dirigeants. Et voilà que les affairistes sont parvenus à corrompre la formule au point qu'on leur délègue la possibilité de nous attribuer des notes.

Nous avons décidé collectivement de rendre la monnaie* aux camelots en confiant la direction du pays à des acteurs du systèmes. Ils viennent jouer leur texte à la télévision à longueur d'expertise. Ils nous vendent la continuité d'une doctrine agonisante.

Si quel que soit notre vote, ils s'emparent du pouvoir, comme en Grèce, en Italie et indirectement en Espagne, à quoi bon, 2012, s'il n'y a pas auparavant cette remise en cause du modèle à perpétuer ?


Illustration*

lundi 5 décembre 2011

Républicain [à tout moment !]





Par une sorte de raccourci de la pensée, on imagine couramment qu'il y a eu 1789 et que la République fut une chose acquise pour les siècles et les siècles, amen. Mais ce n'est pas parce qu'on avait coupé court à la Royauté que les marquis et les bourgeois avaient accepté le principe d'égalité et de fraternité.

Napoléon, Louis XVIII, Napoléon III et quelques autres au passage* ont bien tenté de reprendre la main. Il a fallu qu'à plusieurs reprises le peuple redescende dans la rue, ressorte les fourches et les souvenirs de guillotine pour rappeler aux dirigeants qu'ils étaient un tout petit peu là parce qu'il le voulait bien.

Le pouvoir républicain est un compromis établi entre les intérêts des classes* présentes dans la société française. La moins mauvaise manière de faire cohabiter le riche marchand le trader plein aux as et l'adepte de l'ascèse sociale. L’État est là pour assurer la régulation* entre, d'un côté, les biens-nés et, de l'autre, les laissés-pour-compte. Il tente de rendre aux uns la vie agréable et d'éviter aux autres une trop profonde vallée de larmes.

S'il s'avère que son côté bourgeois bourgeonne* un peu trop, que la gangrène de l'argent facile le gagne, s'il arrive que les favorisés le soient un peu trop aisément, l'Histoire montre que le peuple s'occupe de remettre les équilibres à leur place*. La chose qu'on ignore encore, c'est la fréquence exacte des soulèvements.




Illustration : Republic of Dance*


dimanche 4 décembre 2011

Les faits [L'effet…]



Une fois n'est pas coutume*, je vais recopier un article sur LeSoir.be. Les enfants, si vous lisez ceci, ne le faites pas chez vous, ça peut être très dangereux. Cet article est recopié avec un maximum de sécurité assurée par des professionnels*. Je prends le risque mais c'est que j'en ai besoin pour mon sujet du jour. J'ai pris ce journal, j'aurais prendre n'importe quel autre, c'est un hasard (mais celui-ci est très bien !). Il ne s'agit que de la narration d'un fait divers :

Ixelles : deux adolescents rouent de coups une passante

Rédaction en ligne - samedi 03 décembre 2011, 15:43

Les faits se sont produits samedi matin à Ixelles quand deux mineurs ont agressé une passante qu’ils tentaient de voler. La victime a été rouée de coups de pieds et de poings puis a eu le visage aspergé de spray au poivre. Une patrouille de police qui passait par hasard sur les lieux de l’incident est ensuite intervenue. Les suspects, âgés de 16 et 17 ans, ont été déférés devant le juge de la jeunesse. L’un d’eux est en séjour illégal en Belgique. 

 

Le travail de journaliste n'est pas toujours évident. Il s'agit de rapporter les faits pour que le lecteur se forge une opinion. Il parait qu'il faut absolument rester objectif*. Comme si le journaliste, une fois sa carte de presse en main, n'était plus une personne humaine, comme s'il abandonnait son opinion, ses émotions, son ressenti.

Il arrive que cela échappe même au conscient. Tenez, dans l'article ci-dessus, rien ne vous frappe ? La dame a été agressée en pleine rue, ce qui n'est pas très cordial, nous sommes d'accord*. Mais relisez surtout la dernière phrase. Voilà.


Pouvez-vous m'expliquer le lien factuel qui existe entre la possibilité que l'un des agresseurs ne soit pas en possession de papiers* officiels et les actes commis sur la passante ? Est-ce qu'il existe une logique selon laquelle l'absence de titre de séjour transforme les gens en personne, pour le moins, dépourvue d'empathie ? Si oui, il est urgent messieurs-dames d'accélérer les régularisations, nous courons actuellement en très grand danger.


Mais, si cette théorie est exacte, son contraire* ne peut donc que l'être lui aussi : posséder d'une pièce d'identité offre magiquement aux individus une sorte de paix intérieure. N'avez-vous jamais entendu parler des bienfaits de la citoyenneté ?


Maintenant, modifions de nous mêmes, la chute de ce texte :

Les faits se sont produits samedi matin à Ixelles quand deux mineurs ont agressé une passante qu’ils tentaient de voler. La victime a été rouée de coups de pieds et de poings puis a eu le visage aspergé de spray au poivre. Une patrouille de police qui passait par hasard sur les lieux de l’incident est ensuite intervenue. Les suspects, âgés de 16 et 17 ans, ont été déférés devant le juge de la jeunesse. L’un d’eux était apprenti-coiffeur.

 

Devons-nous décider de nous méfier des capilliculteurs ? Et qu'en est-il des shampouineuses*, sont-elles également dangereuses ? Vous pouvez essayer avec autant de variantes qu'il vous plaira, c'est très distrayant. Par exemple : « Les deux suspects ont été déferrés. L'un deux est un célèbre journaliste », ça marche aussi. Vous voyez comme il suffit de peu de choses, un rien de bruit médiatique pour ré-orienter facilement votre manière de penser ?  

Illustration : A Maka, près de Liège, les derniers forgeurs d'opinion*.