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samedi 24 septembre 2011

Chienne de vie [morsures multiples…]




Je me demande à quoi je peux bien servir par ici. L'inutilité sociale me coûte et me pousse peu à peu vers l'idée de disparaitre. J'ai été meurtri de la mort de @LeCoucou il y a quelques semaines et surtout du silence que cela fait. Le sien, bien sûr, l'absence de mots pour nous dire pourquoi comment et puis le bruit tout autour de ceux qui restent. Le boucan des questions contre le bruissement de sa présence parmi nous lorsqu'il s'est retiré. Le chuintement du vide qui s'installait à sa place.

On ne remplace pas les morts, ils gardent leur place intacte auprès de nous, qui se remplit d'absence. Vous comprendrez cela quand vous serez plus grands et que l'existence vous aura offert vos tout premiers cadavres.

Je savais qu'il glissait lentement vers l'idée de la fin, l'acceptation de sa propre mort. Pour des raisons que lui seul pouvait comprendre et qui lui appartenaient. Nous n'en avons pas parlé ensemble, nous n'avons jamais su aborder le sujet, nous n'avons pas trouvé, ni l'un ni l'autre, l'élégante manière de poser des mots sur cette chose indicible. Je crois que je lui en veux un peu.

Je ne voudrais pas, s'il arrivait que je parte, qu'on se méprenne sur mes intentions. J'aime la vie. Bon sang que je l'aime cette chienne magnifique et joueuse mais à quoi bon continuer d'en accepter les morsures ? Suis-je obligé de continuer à me laisser mordre ? J'ai mal.

Ce n'est pas du tout comme si j'étais déjà mort au dedans. Je bouillonne d'une énergie intense, j'ai mille idées par jour, je fourmille de projets, je ne me considère pas comme au bout du rouleau. Je me sens déborder d'audace et de hardiesse, de créativité. Une nuée de désir me chatouille l'esprit à chacun de mes réveils. Des mots me traversent comme autant de particules de lumière.

Mais il s'avère que tout cela n'est d'aucune utilité. Il apparait que l'ensemble de ce que je suis, la totalité de ce que je peux forger ou produire n'intéresse personne. L'indifférence me ronge. Ce que j'ai pu écrire ici ou là, dessiner, griffonner, tenter, créer, proposer, ce que j'ai encore à réaliser, concevoir, engendrer, la matière que je pourrais encore féconder, malaxer, sculpter, ne suscite pas d'intérêt. L'indifférence me ronge.

J'ai mis sur un piédestal cette capacité en moi de fabriquer des choses. De transformer plutôt. Non pas ce que je suis, non pas la petite personne que j'habite mais la somme de ce que je pourrais transmettre, voilà ce qui m'importe. Je suis conçu selon ce modèle, j'essaie de capter un peu de cette époque et de la donner à voir sous un éclairage particulier. Ces choses ont-elles un sens si personne n'y pose les yeux ?

J'ai 45 ans, j'ai changé plusieurs fois de route, de métier, de chemin. J'ai franchi les obstacle et couru en zig-zag pour éviter les chausses-trappes. J'ai quitté des ornières et des embourbements avec l'assurance des navires insubmersibles. Je m'en sors à chaque fois, j'en ai la certitude.

Je suis venu dans ce pays de mes grands parents pour refermer la boucle de mes propres racines. Et voilà qu'après trois ans, je tire le constat que la Belgique ne veut pas de moi. Je frappe à des portes qui se referment. Je trouve des contacts qui fuient. Je souris à des humains qui ne me voient pas. Je rencontre des gens qui m'ignorent. Je me confie à des personnes qui m'oublient aussitôt.

Je suis fatigué de tomber pour me remettre debout. Je suis fatigué de me remettre debout pour tomber. Je suis lassé de ce simulacre d'existence, de cette simagrée de vie. Je veux rester couché ici, ne plus vous entendre dans vos refus, vos jérémiades, vos exigences puériles de peuple mort. Je ne veux plus percevoir votre dédain, ne plus subir votre indolence. Je n'ai plus la ténacité des boxeurs. Je ne veux plus me relever pour faire encore autre chose. Je veux rester couché ici.

Je ne voudrais pas, s'il arrivait que je parte, qu'on se méprenne sur mes intentions. Je n'ai souffert finalement que de ne pas vivre plus…


Emprunt d'image*