jeudi 20 août 2009

Galerie marchande [c'est la rentrée !]


[source]


Le problème essentiel du travail du dimanche, c'est qu'à partir du moment où tu bosses, tu n'en as rien à faire que les magasins soient ouverts. De toute façon ce n'est pas avec ce que tu gagnes, que tu vas pouvoir te rendre chez Lidl sept jours sur sept.

Là où tu mesures bien l'écart qui se creuse entre ceux qui nous représentent et notre niveau de vie, c'est quand le ministre de l'éducation nationale va au supermarché durant ses heures de boulot. Cela n'étonne personne que le chef de toutes les écoles de France aille promouvoir les escrocs de la grande distribution. Le gars responsable de l'enseignement donné à nos chères têtes blondes ou crépues vient briller dans les rayons d'un Intermarché pour démontrer à l'ensemble de la presse [convoquée et présente, ça c'est de l'actu, Coco !] que la rentrée des classes se passe formidablement bien.

Cela dit, personnellement, cela fait un bout de temps que ces grandes enseignes de la distribution sont devenues des lieux de luxe que je ne fréquente plus que rarement. Et je ne dois pas être le seul à tirer mon Caddie® chez Aldi® puisqu'il a fallu, pour l'occasion, palier à la désertification populaire par quelques renforts venus tout droit de l'UMP. Ils ont très bien joué, face aux caméras, les clients ravis d'acquérir pour vingt-neuf euros et nonante-neuf centimes, un cartable acheté à des chinois pour le prix d'un bol de riz.

Il parait que c'était une initiative malheureuse du directeur local, une sorte de coup de pub que l'épicier aurait voulu s'offrir à peu de frais. Il est vrai que les images d'un ministre heureux parmi les étals et les clients souriants, ça peut dorer pas mal de blason. Ça vaut le coup de mettre les grands plats au prix des petits.

Cela évite surtout à Luc Chatel d'avoir à rencontrer l'éventuelle colère du peuple qui travaille désormais sept jours sur sept, au bon vouloir que tous les Michel-Edouard de la France-qui -gagne-à-tous-les-coups. Il va falloir s'habituer à abandonner le gigot en famille et la famille elle-même.

Le même gouvernement qui offrait à tour de bras des heures supplémentaires avec la promesse d'augmenter un peu ton pouvoir d'achat, vient d'offrir à ton patron, la suppression du coût salarial qui venait précédemment compenser cette ouverture exceptionnelle. Le dimanche ramené au prix du lundi, l'effort de l'employé tombe dans la banalité, le travail permanent devient la normalité…


mardi 18 août 2009

Moriarty - Gee whiz but this is a lonesome town [chronique musicale].

299 - Tentative de chronique musicale pour le mille-feuille




[source Mnemotopy]


Il y a déjà longtemps, si longtemps, que j'ai compris qu'une soirée présentée par Michel Drucker ne peut être une Victoire pour personne et surtout pas pour la musique, en l'occurrence. Je sais bien que Nagui désormais le remplace mais il s'obstine tellement à suppléer le vieux maitre qu'il en arrive à n'en donner qu'une caricature désuète. S'il vous est possible d'imaginer un Taratata réalisé entièrement sous respirateur artificiel et sans électricité, vous obtenez une image assez fidèle de l'ambiance générale.

Pour ma part, c'est l'état de santé d'Alain Bashung qui m'avait mené devant mon écran. Le cancer lui avait déjà bouffé les cheveux, sérieusement entamé sa capacité à se mouvoir avec l'aisance des grands fauves qui s'abreuvent au rock et il était encore le plus vivant d'entre tous.

Et puis Moriarty a débarqué pour je ne sais plus quel prix. Cela semblait ne pas avoir non plus d'importance pour eux. Ils étaient tant dans les chœurs, dans le banjo et et tant dans le sourire complice de ceux qu'un même amour musical unit et se le partageaient à mains nues : sur les boutons de l'accordéon, sur le corps métallique mais réchauffé de l'harmonica, au dos du manche des guitares et sous le glissé langoureux et puissant des doigts du contrebassiste.

C'était magnifique avec par dessus, cette chanteuse pulpeuse à souhait. Elle vocalise avec le regard qui pétille, le souffle à fleur de peau, avec cette gourmandise des filles en jeans qui savent bien comment regardent les garçons. Elles ont la joue trop rose, les lèvres légèrement trop rouge et affichent leurs rondeurs comme la fierté même de leur féminité.

C'est avec Charles Carmignac, Arthur B. Gillette, Thomas Puéchavy et Stephan Zimmerli, que Rosemary Standley forme Moriarty. Quand leur album "Gee whiz but this is a lonesome town" tourbillone sur ma platine, il m'arrive depuis, de rêver à de plus grands espaces. Quelque chose comme une promenade à dos de cheval dans un far-west imaginaire qui reste à explorer, comme installé au comptoir d'un saloon ombragé de claires-voies, au bout d'un chemin poussiéreux, bien paumé au milieu de nulle part, mais affiché en seize neuvième et en couleurs de la vie véritable.

Je fais ce que j'ai à faire dans la vie, la vaisselle, la cuisine ou que sais-je des tâches ménagères, passer l'aspirateur ou déboucher l'évier mais, lorsque l'ordre aléatoire de mon lecteur offre à mon tympan la douceur alarmante d'une "private Lily", ou la compagnie dansante d'un "Jimmy", je pousse le son du mp3 que je porte aux oreilles, je me déhanche et c'est avec le sourire complice de ceux qu'un même amour musical unit que je remplis mon devoir domestique.



Moriarty - Gee whiz but this is a lonesome town
Produit par Deschamps & Makkeieff
- Naïve, 2007

mardi 11 août 2009

Les marques [le prix de la consolation…].

299ème article de ce blog




[Villemot pour Orangina]


Avant, si tu voulais manger un bon couscous, tu retournais chez ta mère ou chez celle de ton pote et si tu avais de la chance, tu tombais sur le bon plat et le bon jour. Les autres menus, c'était variable, en fonction des saisons et des prix du marché du dimanche. Tu achetais ton pain chez Desreumeaux dont le fils était dans la classe de ta fille et choisissais ta viande chez Henri qui était copain avec pépé.

Après, Monsieur Ducros s'est mis à se décarcasser avec William Saurin et la mère Garbit pour tout fabriquer dans de très grandes usines qui ne sentent pas très bon mais produisent pour moins cher tous ces plats que des journées de travail bien remplies ne te permettent plus de cuisiner. Tu bosses toi-même durant plus de huit heures à concevoir d'autres produits pour d'autres gens pressés.

L'industrialisation avait commencé pour toi.

Après, Mesdemoiselles Carrefour, Auchan et E.Leclerc [qui ont depuis lors perdu leur pucelage] sont allées dans les rayons mousqueter contre la vie plus chère. Pour une raison assez étrange, la quantité de travail que tu leurs fournissais selon ta partie du contrat, n'avait plus la même valeur d'échange. Alors même que ta capacité à produire avait cru au delà de toutes les glorieuses espérances. Il te fallait, de plus en plus souvent, choisir entre la poire et le fromage, entre le superflu et l'accessoire, entre Procter et Gamble.

Elles ont trouvé à leur disposition des fabricants pour qui la simple présence dans les rayons des grandes surfaces, fusse-t-elle sous couvert de l'identité propre du commerçant, représentait la possibilité de ne pas fermer l'usine et de continuer à employer leurs employés. Il suffisait de modifier légèrement la recette du produit leader du marché pour la proposer aux clients à un prix légèrement inférieur. Un peu plus d'eau dans la sauce, un peu moins de farce dans les ravioles, une plus grande part de semoule dans le coucous pour augmenter le rapport de rentabilité.
Bien que devenus beaucoup moins coûteux à sa mise en boite, il est à peine moins cher à la sortie des caisses et permet ainsi un meilleur rendement.

Ta valeur travail a tellement continué de faiblir que tu as fini par ne plus manger que cela, encore et encore. Tu en viens à rêver de produits de marques. Herta est devenu un luxe. Une simple pâte de préparation industrielle te semble avoir acquis des lettres de noblesses tant les copies qu'on t'en propose s'éloignent de toute référence gustative existante. S'offrir un véritable camembert Président, un authentique yaourt Danone, déguster un jambon Madrange sont devenus des gestes de raffinement.

Mais une question me taraude soudain : si tu parlais pour ceux-là de «produits industriel», comment convient-il d'appeler aujourd'hui, les sous-produits qui en découlent ?


Nota bene : aucune des marques citées n'a été blessée pendant le tournage de cet article.

jeudi 6 août 2009

Le conservateur [garanti sans ajout !]


[source]


Un conservateur, c'est un gars, si tu le reçois chez toi un jeudi et que tu lui sers de la choucroute à midi, il faudra qu'à chaque fois qu'il vienne manger et à l'unique condition que la réitération ait lieu la veille d'un vendredi, tu lui remettes le même plat.

Le dimanche, par exemple, c'est poule au pot. Pas de Mc Do avec les gosses, pas de paëlla-party, ni jamais de cailles en chemise
[qu'il ne faut pas confondre avec la porteuse de burqa…].

C'est à dire que la poule au pot du dimanche, si tu n'y as pas goûté, tu n'es qu'un mécréant, voire un gauchiste. Tu es à table, ta paume touche le bois superbe de nervures lorsque se pose le morceau de poulet ripoliné de cette sauce au fumet incomparable. Sans remuer, à peine l'esquisse d'un souffle amène à ta narine l'agitation désordonnée des particules odorantes issues de la cuisson. Il y a du sel, du thym, le piquant des navets le dispute au sucré des carottes, tandis que par dessus s'étend paisiblement, l'océan doucâtre du riz cuit à point.

C'est l'immensité de se plaisir du dimanche que le conservateur recherche à tout prix. Retrouver le bonheur ressenti, répéter l'expérience puisqu'elle fut heureuse. Tenter par tous les moyens de revenir à ce qui a déjà plu.

Nous savons pourtant que le plaisir d'un premier baiser vient essentiellement du fait qu'il est le premier. Les suivants n'en seront jamais qu'une sorte de répétition, voire une stratégie rassurante mise au point par les deux partenaires. Ce qui ne les empêche ne rien de se surprendre de temps en temps et de frissonner des petites nouveautés, tandis que le conservateur se dit encore que c'était mieux la dernière fois.

La nostalgie, ça pue toujours un peu de la gueule*. C'est comme un vieux bout de viande que tu te décoincerais d'entre deux de tes dents en espérant y retrouver le goût envahissant du plat servi au diner. C'est une manière de regretter que le temps lui-même ne fasse jamais de sur-place, que les choses changent et que les générations, les unes après les autres, aménagent l'humanité à la manière qui leur conviennent. Chaque progrès est une perte, chaque pas un éloignement et chaque libération prend l'amplitude d'une déchirure…

* Citation de Daniel Mermet.