mercredi 19 mars 2008

Les étrangères [poésie concassée]

Je dis :
— Tu t'y connais en musique électronique ?
Parce que, ce qui me mène dans la vie, c'est la curiosité et, qu'en ce moment, mes oreilles d'arpenteurs s'en vont vers ces rivages.

La médiathèque répandaient son calme de culture

(OoOoOh ces chuchotements entre les rayons des livres comme des conversations qui ne devraient pas avoir lieu…)

Des vitres émanait un soleil qu'elles avaient filtré et enrichi de douceur.

Elle était une autre que moi à ce rayon. Une autre que moi. PAS UN OBJET DE CONVOITISE.
Ce qu'elle savait, sa connaissance, seule m'intéressait.

Je dis :
— Tu t'y connais en musique électronique ?

Elle tourne son visage et me s o u r i t.
— Oui, un peu, je …
Je la découvre alors, (la forme exacte de l'oeil, la pomette en exergue, quelque chose de la joue qui mène à ses lèvres

[OoOoOh la douceur des baisers qui me manquent soudainement].

Elle a de la beauté comme on a des cheveux, comme les dents poussent, comme au printemps, les fleurs, comme la surface de l'eau du lac où l'on se baignait pendant que l'orange éclatait,
de la beauté qui E T I R E la lumière.

Elle a ce qu'il me faut d'accent à moi qui, déjà tout petit, aimais les étrangère
*,

elle a coché et mis des croix dans tous mes questionnaires,

ET MOI QUI N'Y PENSAIS MÊME PAS !


Je me retrouve devant e l l e,
surpris même d'y être,
je ne sais plus ce qu'il faut dire, moi qui pouvait avant, faire entrer :

  • 1. Une armée de chevaux dans un alexandrin
  • 2. Le trésor des Incas dans un alexandrin
  • 3. Les bourgeons des forêts dans un alexandrin
Pour le numéro 1, tapez un. Pour le numéro 2, tapez 2…,
Crétins de téléspectateur, maintenant tu paies !

redonnez-moi le langage,
...........................les mots........................................
des phrases à répartir,
ma langue, - --- -- - --- - -- ---- - -- ---- - --- -- - ---


[ t_o_u_t s_e f_i_g_e, ] .



je ne peux plus CLIQUER-GLISSER LES PAGES des dictionnaires,

sauf que je deviens simplement tremblant,
sauf que je deviens tremblant,
sauf que je tremble

[OoOoOoh comme elle est étrange cette sensation d'après la peur, quand votre conscience reprend le pas sur l'instinct de survie mais que votre corps par toutes ses manifestations vous montre qu'il se souvient encore que L A P E U R est une substance des veines...],


Je dis :
— Je cherche un album. Plutôt du trip-hop…

M o n c o r p s f a i t alors quelque chose
a v e c m e s j a m b e s,
elles se placent a u t r e m e n t.

je viens plutôt du rock, alors j'essaie de découvrir
— Oui, je peux…
Et se penchant vers les rayons [elle a ce truc des filles pour qui se pencher en avant, c'est changer de beauté], la lettre T, cd-cd-cd-cd, l e s d o i g t s d é l i c a t s saisissent et me le tendent

— Terranova, Tou connais ?

Je crois que je souris, je ne sais pas où sont mes pensées à cet instant,

quelque chose qui marche derrière nous et qu'on perçoit, un animal entrevu seulement par le coin de l'oeil ,


Je dis :
— Tu es étrangère ?
Puis à nouveau, parce que le peu de mots qu'il me reste voudrait rester dedans et que,
d a n s u n e m i m i q u e a m u s a n t e d e SON v i s a g e, elle m'ordonne de répèter,

— Tu es étrangère ?
— Oui, roumaine. Tu verras, c'est intéressant cette musique.
Elle a dit cela d'un ton oublieux, comme si “roumaine” était un accessoire, un adjectif,
comme s'il fallait ne pas en P A R L E R


[Pensez aussi que si l'on est étranger, vivant dans un pays étranger, dont on parle la langue dans toutes ses turpitudes alambiquées — “le français, c'est soucrrré comme dé la muszssik” me disait Maria quand je l'interrogeais sur son amour de mon bien maternel —, c'est bien souvent qu'on l'aime au point d'y vivre, au point de ne b-i-e-n-t-ô-tplus parler d'autres langues
et de ne plus vouloir être reconnu comme ét r a n g e r.
.< . . . . . . . . | . .

Nous partons chacun, ———> par-là-par-là,
de nouveau sé-pa-ré-s,

COMME SI RIEN N'AVAIT EU LIEU
le premier jour d'après le déluge sans la mémoire du déluge.

Pour moi, les choses prennent place,
(comme une porte secrète qui se mettrait à battre au-dedans),

le-bruit-du-coeur qui se remet à battre

et qu'on le sent [B . A . T . T . R . _ . ]
très précisèment,


le possible reprend du poil de la bête. . . . . … . .…. ,…

Le monde des possibles s'est encore rapproché,
je le touche du doigt chaque fois que
la vie m'offre de la vie…


[ C'est fou parfois, ça vous tombe comme ça dessus sans prévenir ]





_____________________________________________ RÉFÉRENCES :
*J'ai pris la main d'une éphémère
Qui m'a suivi dans ma maison

Elle avait les yeux d'outre-mer

Elle en montrait la déraison

Elle avait la marche légère

Et de longues jambes de faon

J'aimais déjà les étrangères

Quand j'étais un petit enfant

[Extrait de Louis Aragon "Après l'amour" (Le Roman inachevé)]



(Pour être honnête, j'ai déjà diffusé
ce texte sur un autre blog en juin 2006)

14 commentaires:

  1. Poireau,

    Ca fait deux ans que je commente chez toi tous les jours (et vice versa, je n'oublie pas !). Mais là, tu changes tellement de style qu'il va falloir que je réfléchisse !

    Je reporte à demain...

    Mesdames, Messieurs,

    Notez bien l'exploit ! Ca fait deux ans que je commente un blog qui n'existe que depuis 3 ou 4 mois.

    RépondreSupprimer
  2. Vraiment ? J'avais l'impression que ta rencontre datait d'hier tant les mots sont fraichement éclos, les descriptions brodées au petit point et les enchainements tricotés avec talent !

    RépondreSupprimer
  3. Nicolas : en plus ce texte vient de mon tres tres ancien blog !
    Il se trouve que je suis retombe dessus et que je l'ai relu avec d'autres yeux. Comme je n'avais pas d'idee, j'ai eu envie de le redonner a lire.
    Mais c'est vrai que du coup, ce blog part dans tous les sens ! :-))))

    [c'est retour vers le futur ton commentaire !]


    Plumeau : bin, le texte etait ecrit "a chaud", c'est pour ca. Je n'ai presque rien retouche ! :-))))

    RépondreSupprimer
  4. Bof, on s'en fout que tu changes de style, d'humeur, le blog est une petite chose quotidienne, si chaque jour, elle a le même goût, s'il n'y a plus jamais rien d'étranger en elle, où est le plaisir, où est la surprise, si tu peux plus jouer à faire rire, pleureur, peur, exciter...

    Ton texte est très bon, et j'en aime beaucoup la forme ludique...

    La question qui me taraude, c'est : "tu t'l'es pé-cho, oui ou bien ?"
    :-)

    RépondreSupprimer
  5. Dorham : mon tout premier blog etait bien plus littéraire, j'avais plus de temps à l'époque ! :-)))
    Je ne l'ai même pas revue, la roumaine ! La vie est belle mais dommage ! :-)

    RépondreSupprimer
  6. Tu l'as relu et tu t'es dit "purée, ce que c'est bien écrit, il a trop de talent ce type-là" !

    Comme moi ^^

    RépondreSupprimer
  7. Ellie : sincèrement, je ne trouve pas ça génial mais y'a des trucs interessant.
    Les différents niveaux de langage, le rapport au corps, les etages de la pensee…
    Donc, oui, ca m'a paru suffisant pour être repris ici ! :-)))

    RépondreSupprimer
  8. Monsieur Poireau, dans votre cas, je ne vois qu'un remède - et il est brutal : un verre de lait, une pute et dodo !

    RépondreSupprimer
  9. Monsieur Goux : pour paraphraser Desproges, qui me le pardonnera soyons en sûrs, je dirais que je ne prend jamais de lait avec une dame qui travaille !
    (et puis où ai-je trouver de quoi écrire si je dors, moi ! :-))) ).

    RépondreSupprimer
  10. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

    RépondreSupprimer
  11. Monsieur Poireau, je ne sais pas si vous avez lu mais le Courrier INternational de la semaine dernière a fait dossier sur la littérature et le numérique

    RépondreSupprimer
  12. Ayé. On va encore dire que je fais le fayot.

    Donc.

    J'ai été transporté par ton texte, et le terme de poésie concassée lui va comme un gant.

    C'est marrant, parce que je n'aime pas, enfin, je croyais ne pas aimer, les jeux typographiques, de mise en page, tout ça. Mais là, c'est juste enthousiasmant.

    Je vais faire celui qui n'a pas lu, et attendre un an ou deux qu'il y ait prescription pour tenter un truc comme ça !

    Vraiment, chapeau.

    RépondreSupprimer
  13. Marc : ah non, je n'ai pas lu ! Il faut que je regarde au CDI !

    Balmeyer : merci !
    Ca vient de mon tres ancien blog ou j'essayais, peut-etre trop, de travailler la forme en fonction du fond !
    C'etait parfois exagere et je n'ai garde ici que quelques effets !
    Lance-toi !
    :-)

    RépondreSupprimer