Je n'ai pas trop de mal à répondre à la question tarte de savoir pourquoi je suis de gauche. Je n'ai pas choisi mon camp politique pour avoir entendu mon père maugréer d'un humour méchant contre les fonctionnaires autour de la table familiale ni parce que maman* œuvrait dans une association d'aide aux plus démunis.
Je viens d'une famille un peu bizarre où l'absence de parole avait valeur d'échange. Je l'ai compris plus tard même si concrètement, je me suis barré de là dès que j'en ai eu l'occasion avec sous le bras, mon instinct de survie par la maîtrise des mots. Je me retourne sur cette histoire qui est la mienne et j'y porte la lumière de mon présent, de mon âge*.
Je perçois aujourd'hui ce qui a mené certains de mes pas, emmené certains de mes choix. Je suis repassé tout seul par la case départ, je n'ai pas palpé dix mille euros et j'ai pour l'instant toujours échappé à la prison*. Je n'ai pas touché le gros lot à la naissance et comme je ne suis pas doté de patience, j'ai préféré avancer que de l'attendre.
Je ne m'en serais sans doute pas sorti sans un système social solidement bâti. Si j'ai reçu de l'aide quand j'avais touché les fonds [eh tu l'as vue la vanne ?], c'est de la part de la communauté. Je n'ai vu aucun riche me porter secours*. Je les ai côtoyés avec respect et je leur ai toujours payé mes loyers mais aucun n'a jamais pensé à fournir autre chose.
Je ne dis pas que je suis malheureux de ce que j'ai vécu, que je regrette quoi que ce soit de cette enfance particulière, bien au contraire. Sans cette période un peu étrange*, sans cet enfermement ouaté, sans cette prison de silence aux barreaux de mutisme, je n'aurais certainement pas la chance d'être celui que je suis désormais devenu.
Je ne vous oblige pas à partager ce sentiment mais je vous assure que, tel que je me vis de l'intérieur, je suis quelqu'un de vraiment intéressant à découvrir*. Sous le vernis de l'apprentissage, sous les apparences de la norme acquise, dans l'au-delà de l'apparence identitaire, derrière le mimétisme familial, je déterre qui je suis.
Et même si on m'a inculqué que la prudence* est mère de tout, malgré les interdits qu'on m'a collés sur le paletot comme autant d'adhésifs publicitaires pour les valeurs familiales, nonobstant la peur et l'effroi installés sur le canapé comme s'ils habitaient chez moi, j'espère toujours retrouver trace du gars d'origine.
PS : donc le cadeau que je souhaite
m'offrir pour le Noël mes dix ans*,
c'est juste la capacité de comprendre
tout ça un peu plus vite. :-)
Illustration*
"je suis quelqu'un de vraiment intéressant à découvrir"
RépondreSupprimerCa me fait une belle jambe : comment veux-tu que je te découvre alors que je te connais déjà ?
L'estime de soi, c'est en effet est joli cadeau à faire à un enfant de dix ans. Ou même de cinquante.
RépondreSupprimerScotchée par ta belle écriture ... Et tu parlais pour deux quand tu étais gamin ? Tu pouffais de rire à table ? ... Tu as bien résisté ou tu es devenu grognon ? :))))
RépondreSupprimerAmicalement
PS
RépondreSupprimerTu comprends bien que si tu es devenu grognon, pas question de te découvrir ! ...
:))))))
Nicolas Jégou : t'en as pas fait le tour, je t'assure ! :-)
RépondreSupprimer[Mais ravi de te connaitre aussi !].
dedalus : ça devrait être obligatoire, nos sociétés s'en porteraient sans doute mille fois mieux ! :-)
Apolline : non, j'ai plongé dans l'écriture en fait, l'imaginaire, la poésie, la fiction, …
Je fus grognon, très mais de moins en moins en comprenant ! :-)
Merci ! :-)
On ne parlait peut-être pas chez toi mais, ça t'a donné un joli coup de plume ! ... et si tu n'es plus grognon, y a plus rien à jeter, alors.
RépondreSupprimerJe pense que t'es un mec bien, pas de conviction, pas de preuves...juste un sentiment!
RépondreSupprimerSolveig : oui, ceci implique cela en fait !Merci ! :-)
RépondreSupprimerThierryRégis : vous en êtes un autre ! :-))
merci monsieur!
RépondreSupprimer"j'ai plongé dans l'écriture en fait, l'imaginaire, la poésie, la fiction"
RépondreSupprimerReiner Maria Rielke " lettres à un jeune poète" : c'est de la souffrance que naît la création.
De l'impuissance à ne pouvoir choisir sa famille ...
RépondreSupprimerBeau billet de regrets contenus et pudiques ; finalement , la douleur crée de belles paroles , ravie de vous avoir connu sur le Net !
Nadezda : j'ai une autre version qui dit que les artistes sont les humains qui sont plus conscient de leur propre mort que les autres. Mais au fond, est ce bien différent ? ;-))
RépondreSupprimerMamie rebelle : merci !
Regret, je ne crois pas mais le lecteur fait son texte. Je choisis ma famille au fur et à mesure de la vie ! :-))
Ravi itou ! :-)
Très belle photo. Le texte sonne juste. J'augmente le son !
RépondreSupprimermtislav : ravi que ça t'ai parlé ! :-)
RépondreSupprimerC'est bien aussi quand tu te racontes un peu. Mais je parie que tu mangeais tes crottes de nez.
RépondreSupprimerNoraGaspard : merci !
RépondreSupprimerAh bon, il ne faut pas les manger ?
:-))
Conclusion: essayons de donner à nos enfants ce que nos parents n'ont pas pu nous donner...
RépondreSupprimertout en gardant à l'esprit que nous ne serons jamais de parfaits parents...
et que donc, ils apprendront de nos erreurs ;-)
Mademoiselle Ciguë : faire confiance aux enfants pour rater par eux-mêmes ? ;-)
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