Suite aux attentats qui ont eu lieu à Paris entre le 7 et le 9 janvier 2015, nous avons assisté, le dimanche 11 janvier, à une manifestation d'ampleur inégalée. Le rassemblement, sans aucun slogan et sans autre mot d'ordre que «Je suis Charlie», a rallié quelques 4 millions de personnes à travers la France. En marge, quelques uns ont refusé de se solidariser avec ce mouvement et ont tenté de faire entendre un autre message.
Pour revenir sur ces faits, j'ai demandé à Hélène Romano, docteur en psychopathologie qui tient une consultation spécialisée en psychotraumatisme, de répondre à quelques questions. Elle a accepté gentiment, ce dont je la remercie.
Au surlendemain des drames intervenus à Charlie Hebdo, Montrouge, Dammartin-en-Goële et à l'Hypercasher de la porte de Vincennes, on a assisté à une manifestation d'une ampleur inégalée. Comment comprendre cette réaction populaire dont on peut remarquer l'absence de slogan fédérateur ?
Hélène Romano : les attentats ont touché des civils dans un contexte de paix ; ils ont inévitablement une dimension effrayante et bouleversante contrairement à des faits similaires exécutés dans des pays en guerre. L’ampleur des réactions s’explique en partie par un processus d’identification projective, chacun s’étant senti en danger.
La manifestation du dimanche a eu une dimension de rituel collectif avec une apparence de cohésion ; «apparence» car au final, les motivations de manifester étaient multiples : certains le faisaient pour rendre hommages aux morts, certains par adhésion communautaire, certains pour la liberté de la presse, d’autres parce qu’ils sentaient que ça allait être un moment historique et qu’il fallait y aller, certains en soutien aux familles endeuillés, d’autres pour ne pas être assimilés à des extrémistes islamistes, etc.
Derrière le slogan «tous Charlie» la cohésion était surtout assurée par cette expérience commune d’effroi face aux événements.
Face à cette communion nationale #JeSuisCharlie du 11 janvier, apparait un contre mouvement, notamment sur internet, qui prétend s’identifier aux terroristes. Comment l’interpréter selon vous ?
Hélène Romano* : Lorsqu’un mouvement tend à uniformiser des réactions, cela provoque inévitablement des réactions de défense de ceux qui ne se reconnaissent pas dans l’injonction collective, d’où «je ne suis pas Charlie» pour bien marquer sa différence et sa défiance face à un mouvement général dont ils se sentent rejetés.
Le fait que certains, au final très minoritaires, s’identifient directement aux terroristes, nous rappelle que lorsqu’une personne vulnérable se sent rejetée, le risque est majeur qu’elle ne tente de retrouver du réconfort du coté des extrêmes.
L’importance serait d’essayer de comprendre les réels motivations de ces «je ne suis pas Charlie» et de limiter ces vécus de persécutions et d’incompréhension qui clivent chaque jour davantage la population française.
Dans ce contexte, faut-il donc entendre «Je ne suis pas Charlie» comme une sorte d'appel au secours, une demande d'attention ?
Hélène Romano : C’est probable. Il y a toujours un décalage entre ce qui est donné à voir et à entendre (ce qui est manifeste) et ce que cela signifie de façon plus inconsciente (plainte latente). Ne répondre que par la sanction et le registre répressif ne résoudra pas la question posée sur l’identité des jeunes aujourd’hui mais également sur l’identité professionnelle des enseignants et les interrogations des parents sur leur fonction parentale.
Je suis frappé par l'injonction de silence qu'on oppose à ce refus de faire partie de l'unanimité. Est-ce, selon vous, une parole que nous devrions laisser s'exprimer ?
Hélène Romano : Une parole non exprimée conduira inévitablement à des passages à l’acte… Il ne faudrait pas avoir peur du débat, permettre à ces jeunes de décrypter le sens de ce qu’ils disent pour avoir un jugement critique (idem pour les adultes).
Les jeunes pointent les contradictions des adultes et leurs injonctions paradoxales : «tous Charlie» au nom de la liberté d’expression, ils s’expriment et on leur dit que ce qu’ils disent n’a aucune valeur. Comment des jeunes adolescents peuvent ils le comprendre autrement que comme un rejet des adultes ?
[Interview réalisée par mails entre le 16 et le 24 janvier 2015]
Je ne suis pas "Charlie" mais je ne suis pas un "contre mouvement" ...
RépondreSupprimerEt puis , à vraie dire , la liberté d'expression je n'y crois pas ...
C'est une illusion rassurante , rien de plus ..................
La liberté d'expression n'existe que pour ceux qui parlent plus fort que le bruit de fond médiatique mondiale .... Les autres (la masse de l'opinion) a le droit ou non d'approuver les leaders d'opinion , à condition qu'ils disposent encore de leur liberté de penser , ce qui est rare car chacun de nous est conditionner à penser selon des normes inconscientes inculquées depuis la plus tendre enfance ........................
RépondreSupprimerStéphanie : tu ne vas pas mieux, je m'inquiète pour ton moral. Tu vois des gens ? :-)
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