lundi 30 juillet 2012

A l'heure du JT [des trains !]




L'actualité c'est l'histoire des trains qui arrivent en retard, des enfants morts écrasés ou congelés, de la gamine violée et du père qui se pend dans le grenier après avoir lui-même ouvert la gorge à chacun de ses trois rejetons. Avec un simple cutter de bureau. C'est le règne de la guerre et des petites saloperies à quelques milliards de l'économie mondiale. On ne compare pas pour rien les membres de la finance internationale à des requins.

Tu suis les infos et tu finis vraiment par ne plus croire à rien. Tout va mal, partout. Des tremblements de terre, des tragédies météorologiques, de pauvres petites filles assassinées, des usines qui ferment. Difficile de ne pas oublier que pourtant des professeurs enseignent, des femmes et des hommes créent des entreprises, des bébés naissent dans la joie puis vivent une enfance plaisante et que la très grande majorité des avions atterrissent tout à fait normalement.

A côté de cela, on te fournit de la joie régulièrement : Androïd annonce une mise à jour majeure, Apple un nouvel appareil qui va devenir indispensable à ta vie. L'univers médiatique n'est qu'ombre et lumière. Soit le triste sort de nos semblables, soit la lumineuse merveille de la technologie et de l'entertainment. D'un côté on t'offre la déprime et de l'autre, la possibilité de ressentir un peu d'allégresse. Autrement dit, on te refile continuellement la maladie pendant qu'on te vend d'acheter le médicament.


Nota benêt : cet article est écrit avec mon iMac (pas mon iPhone) et sur une plate-forme de blog appartenant à Google.

Illustration*

vendredi 27 juillet 2012

La tonte [L'attente…]





[Ce serait plutôt un texte à jouer sur scène, vous n'avez qu'à imaginer].




Je vous raconte l'histoire d'un gars, mettons, c'est un copain à moi. L'autre jour, il faisait beau et comme par ici, le soleil c'est une énergie durable, mais pas longtemps, il en a profité pour tondre la pelouse.

C'est chouette d'avoir un jardin, ce n'est pas la question. Mais une fois qu'en tu en as un à disposition, tu te demandes comment faisaient les parents pour tenir le potager familial ? Comment trouvaient-ils le temps matériel ? Ou c'est qu'on mène une vie de dingue ou y'a un truc qui m'échappe.

Bref, revenons à notre pelouse. La Belgique, c'est un pays où, soit tu tiens tes fenêtres fermées parce qu'il drache comme la veille et l'avant veille, soit tu les refermes parce que dès qu'il y a un rayon de soleil, c'est concert à la tondeuse. Tu penses, dès que c'est un peu sec, c'est la précipitation, chacun s'empare de son matériel. Tu as tout intérêt à sortir ton engin avant que ça ne remouille.

D'un bout à l'autre de la rue, voisin après voisin, tout le monde se met soudainement et conjointement à faire des va-et-viens en poussant devant eux leur outillage. Ce n'est pas tellement qu'on a des hectares à cisailler, c'est simplement que si la météo ne se décide pas à accorder un ou deux jours de soleil de temps en temps, sauf à disposer d'une faucheuse, on se retrouve contraints d'opérer en plusieurs passages progressifs. Dans un sens et dans l'autre.

Et mon pote, ce jour-là, se donne du mal ; il ajoute à la tonte massive, le désherbage à la main dans les endroits que la machine n'atteint pas. Il essaie «d'améliorer par un apport d'humanité tout l'intérêt de cet espace naturel». Oui, il me l'a dit comme ça et j'ai réagi un petit peu comme vous : un jardin, ça n'a rien de naturel.

Le soir, sa compagne rentre, lui parle de sa journée en prenant un café puis s'en va vaquer à ses occupations jusqu'au repas du soir. Pas un seul mot sur la beauté implantée dans ce petit coin de nature. Pas une seule remarque sur l'harmonieux accord établi entre le respect de la flore locale et la coupe électrique à une hauteur maximale de 8 millimètres.

Tu parles, elle rentre, elle est fatiguée de ses huit heures de travail, elle est à mille lieues de penser à seulement regarder par la fenêtre. Il pourrait tout aussi bien avoir fait construire une petite maison en plein milieu de la prairie, ça passerait, pour elle, inaperçu. Elle est encore dans la digestion de ce qu'elle a vécu les heures précédentes, avant de pouvoir passer à table. Elle est même incapable de comprendre, à ce moment-là, le concept de l'horticulture.


Non, ce que je trouve intéressant, dans cette histoire, c'est la manière dont cet ami en arrive à attendre qu'elle lui dise quelque chose. Il s'est tapé son petit délire écolo, il a choisi de jardiner. Il a soigné la planète qui va beaucoup mieux depuis qu'elle est tondue. Le plaisir est là, dans l'acte consommé, le mouvement, la sueur. Pourquoi ressent-il ce désir impérieux qu'elle remarque cette action ? D'où lui vient cette nécessité absolue d'être approuvé, applaudi… reconnu peut-être ?

Ne peut-il pas jouir de son moment de plaisir solitaire à l'activité de plein-air sans que personne n'en témoigne ? Est-il dans l'incapacité affective d'imaginer qu'elle mène en parallèle, une vie personnelle ? Ne peut-il pas, par la narration de cet instant de sa félicité, glissé banalement dans la conversation, en exprimer la satisfaction ressentie ? Sans rien attendre en retour ?

Ce que je veux dire, c'est qu'on a l'exemple même du comportement de «petit tyran des proches» qu'on croise fréquemment. C'est en tout cas mon impression, regardez un peu autour de vous.

Ici, le mec imagine la réaction qu'elle devrait avoir. Il est tout seul dans sa tête à lui et son esprit invente ce qui pourrait se passer à un moment situé quelques heures plus tard. Selon lui.

Il a anticipé en visualisant l'instant de son retour lorsqu'elle découvrirait, souriante et ravie, l'amélioration apportée par l'humanité à cet espace naturel. Et bien sûr, tout autre chose a eu lieu. Comme c'était prévisible, rien ne s'est passé comme prévu. La réalité est venu recouvrir de sa froideur véritable, la caliente de ses fantasmes.

Il n'avait visiblement pas connaissance que le destin fait ce qu'il veut de nos illusions. Il se déjoue de nos machinations sans même y prendre garde. En fait, mon copain en veut à sa femme de ne pas avoir partagé avec lui, ce qu'il avait conçu. Un peu comme un enfant fait un caprice quand tu ne lui ramasses pas pour la 47ème fois sa putain de cuillère. Quand tu découvres que le monde autour de toi na va pas changer par ta simple volonté. Comme on vient de lui passer son rêve échafaudé, à l'eau froide, il faudrait que ce soit la faute de quelqu'un.

Comme s'il fallait venger ce désenchantement.

Pourtant, la vie est amusante dans son extrême créativité à contrarier nos calculs. Quand tu profites de ton imaginaire pour te laisser surprendre (sans regrets de ce qui n'aura donc pas lieu) par ce qui arrive vraiment, elle est extraordinaire.

Il est étrange l'esprit humain, si je puis me permettre de me prendre comme étalon de la généralité, ce n'est que maintenant, à l'instant, que je trouve le conseil de j'aurais du donner à mon pote quand il est venu partager cette déception : quoique tu prévois, envisages, planifies ou évalues : attend-toi à des surprises et apprécie-les. C'est LA vie…


Nota benêt : 1. dans ton jardin, la plante ne te remercie pas en fleurissant comme une moitié folle, c'est qu'elle profite que tu lui tues toutes ses concurrentes.  2. Toutes ces plantes qui affichent leurs organes sexuels en technicolor, je me demande si c'est bien raisonnable.


Cette belle image que j'ai secrètement nommée «Ken est assis sur la pelouse de Barbie» provient de ce site*


27 juillet, coucou @Le Coucou ! #1an …
 

jeudi 26 juillet 2012

Les alliés [à l'étranger !]




S'expatrier, c'est te séparer de quelqu'un, sans être fâché ni rien, juste les aléas de la vie. Tu continues à la regarder vivre mais de loin. C'est la même personne mais elle est devenue ton ex. Elle continue d'exister sous tes yeux. Tu vois avec qui elle sort, qui la tente, avec qui elle couche. Tu observes tout cela avec une sorte de gourmandise affadie. La curiosité l'emporte encore un peu sur l'indifférence.

Ta vie continue sur d'autres rails et il s'installe une sorte de détachement. Tu constates avec l'accumulation du temps que ces événements sont assez lointains pour ne pas être tant que cela de ta vie. C'est un peu comme d'arrêter du jour au lendemain de t'intéresser au football. Après quelques années, ils te semblent étranges, les gars qui courent en short après un ballon.

Ils vivent une ferveur qui t'est devenue étrangère. S'il arrive qu'ils gagnent, tu es content pour eux mais ça n'atteint plus jamais l'extase. Ce n'est pas plus grave que d'assister à un spectacle de danse contemporaine sans rien comprendre à la contorsion généralisée à laquelle tu assistes.

Côtoyant le peuple belge, tu constates ce qui les fait différents. L'appellation «ton pays», c'est un peu vidée de sons sens, elle s'est dépassionnée. C'est la même patrie mais elle est devenue ton ex. Elle continue d'exister sous tes yeux d'entomologiste et c'est cette distance acquise qui t'offre une nouvelle liberté de conscience. Ce n'est finalement pas plus grave que de se départir d'une mauvaise habitude.

L'expérience de s'expatrier, c'est commencer à comprendre combien le nationalisme est une sorte de peur viscérale de cette désalié(nation).


J'ai proposé ce texte à Newsring en tant que débat
sur la nature du nationalisme. Je n'ai pas encore reçu de réponse…


Source photo : montage perso de 2 images d'e-bay*

jeudi 19 juillet 2012

L'avenir [à ta portée !]





J'ai quand même cette chance incroyable de côtoyer l'avenir. Autour de moi, partout, dans l'autobus, dans la rue, les magasins, parfois les bibliothèques, je croise des jeunes. Ils ne sont occupés à rien, ils rigolent, ils draguent, ils découvrent les limites du monde qu'ils inventent. Ils se tiennent mal, ne respectent pas les mêmes règles ou alors pas au bon moment. Ils fabriquent sous mes yeux, ce qui sera demain.

Ils se passent des musiques étranges, portent des fringues douteuses. Les filles apparaissent moins stéréotypées, les garçons plus naturels. Quand les profs leurs demandent de rendre une copie, au pied de la lettre, ils copient internet. Ils se facebookent, se skypent, se essémessent. Ils ont des technologies si étranges que ça me rappelle mon grand-père et ses bizarreries de 78 tours.


Ils naissent avec l'électronique comme nous sommes nés avec la télévision. Encore que pour ma part, je suis assez vieux pour me souvenir d'une période où les émissions commençaient avec l'après-midi. Ma mère s'effrayait que l'ont puisse, par la suite, passer autant d'heure devant le petit écran. Comme les parents s'inquiètent d'autant d'électronique dans leur environnement.


Ils naissent avec les réseaux comme nous sommes nés dans un monde de livres et de volumes. Nous serons les derniers témoins de l'ère de l'imprimerie qui termine son cycle d'existence. Le but fixé initialement de diffuser le savoir au plus grand nombre a été le plus souvent atteint. L'humanité change peu à peu de support. Le papier devenait en quelque sorte trop limité dans ses applications. Trop lent à se répandre dans le monde et à se diffuser.


La dématérialisation des savoirs n'est pas la disparition des savoirs. Elle est une nouvelle étape dans le but que poursuit l'humanité : se raconter les uns les autres, ce que nous apprenons de ce qui nous entoure et de ce que nous ressentons. De l'élevage de la poule à la langue japonaise, de la plus factuelle des réalités de cette vallée de larmes à la plus anabolisante des fictions, nous transmettons.

L'effacement d'un support au profit d'un autre est un élargissement. La numérisation en cours de l'ensemble de nos savoirs et de notre mémoire assure à une multitude grandissante de personnes de cette planète d'y accéder. La dématérialisation n'empêche en rien aux livres d'exister mais ils sont déjà d'un autre temps qui est en marche.

Tout comme nous avons abandonné la cassette audio en faveur du cd puis du mp3, nous abandonnerons le livre. Je veux dire nous en tant que communauté. Mais aussi, tout comme nous avons gardé l’appétit de la même musique, nous conservons la culture de ce qui est écrit. Internet comme le savoir de tous à la portée de tous, comme partage le plus large jamais atteint de ce que nous sommes à cet instant.

Nous avons quand même cette chance incroyable de côtoyer l'avenir…


Nota benêt : Si tu réfléchis, l'avenir, c'est jamais que le présent du lendemain.


Source photo*