jeudi 23 juin 2011

Les circonstances [relations internationales…].



Il y a ces moment délicieux de l'existence durant lesquels la vie suit simplement son cours. Aucun obstacle ne vient troubler son destin de fluide. Tout se déroule selon les circonstances.

Elle était là déjà, à ton côté, il y a quelques rues de cela, à attendre que le passage libère les piétons. Plutôt petite, le cheveux noir, les épaules en ligne droite, elle porte au visage un sourire de lèvres épaisses. Son bagage sur le dos expose un désordre de grands départs, de transhumances.

La gare est juste là, au bout de l'avenue suivante, elle a le temps de prendre un verre. Le soleil qui s'était montré timide jusque là, dévoile enfin ses intentions. Malgré la fraicheur de la saison, il offre l'envie au temps de s'étirer, de flâner parmi les rayons. Il fait l'étalage de sa gloire vieillissante. L'après-midi vient de basculer dans sa deuxième partie, la pente du couchant durant laquelle les heures ont le double goût d'un présent bonifié mêlé d'une sorte de regret prémonitoire dont nous le chargerons quand il aura cessé. Ces bonheurs un peu fugaces sont une sorte d'apéritif à la mélancolie.

Elle a pris la banquette et toi la chaise. Tu détailles, quand elle parle, la manière dont elle existe dans son langage. Les doigts s'agitent, la main accompagne, la tête se penche pour souligner un détail particulier. Elle a sur le visage quelques milliers de muscles qui, secrètement, s'agitent et modulent sa parole. Sa lèvre ourlée a l'épaisseur d'une côte exotique vue du ciel. Les sables blonds sur lesquels s'étendre se décorent de la langueur des marées.

Elle parle un français de sud-américaine, sa langue roule des R de samba. Tout ce qui
fu devient fou. Elle farfouille, si un mot lui échappe, parmi tout un fatras de langage portugais enchevêtré d'espagnol. Ses sourcils sont d'un noir à peine plus dense que son regard. Ils se terminent par quelques poils espacés tout au bord de sa tempe dont la pâleur, en contraste, te frappe. La peau si blanche sous la pilosité. Elle te regarde dans les yeux pendant que tu l'écoutes.

Elle a raté son départ depuis longtemps lorsque tu proposes de continuer ensemble durant le repas du soir. Tu lui tiens la porte en sortant du café, ta main effleure son bras puis s'y pose. Sa nuque, par de petites mécaniques, se courbe et t'offre de voir son visage dévoilé d'un sourire.

Elle mange avec un plaisir visible. Elle s'avère curieuse de tous les mets de nos coutumes au point de tester aussi chacun des plats que l'on t'apporte. La fourchette encore au bord des lèvres, les yeux clos, elle affiche une gourmandise attentive au moindre détail, les papilles baignées de nuances.

Ses lèvres ont le goût étonnant de toutes ces épices.

La ville est au dehors qui glisse dans le sommeil tandis que ton souffle remonte ici sur sa peau.
On observe une normalisation des échanges diplomatiques. Chacun dresse ses couleurs, son étendard et milite pour un réchauffement des relations internationales. Elle a des seins étonnamment ronds que tu caresses dans la pénombre de sa chambre. Sa langue te devient un peu moins étrangère. Sa bouche te contient temporairement.

Tu ouvres un œil à la lumière du jour. Ses cheveux sur ton épaule sont le parfum qu'elle a. Tu souris de cette connaissance de son intimité. Elle remue un peu, les doigts posés sur ton torse. Elle te fait face, souriante, se redresse et s'assied sur les talons, les jambes repliées. Elle s'étire un peu, les bras vers le plafond. Tes yeux parcourent ses seins, son ventre et la noirceur de son pubis.
La peau si blanche sous la pilosité. Elle te regarde dans les yeux pendant que tu la mates.

Dans le hall de l'hôtel encore désert, le distributeur emplit machinalement deux gobelets d'expresso do brasil. Tu galères pour appuyer sur les boutons de l'ascenseur. Elle sort de la salle de bain munie de toute sa nudité. Elle s'étend à ton côté, le café devant elle. Elle semble en avoir absorbé la chaleur qui se répand le long de ta cuisse. Ses doigts te trouvent, ses yeux se plissent tandis qu'elle glisse sa peau lisse sur ton épiderme.

Sur le trottoir de l'avenue, elle te sourit après votre baiser. Ses lèvres ont le goût du dernier café. Elle s'éloigne vers la gare et toi, par là. Tu poses le casque sur les oreilles. Tu démarres un truc de rock. Ton pas sur le bitume suit le rythme joyeux.

Il y a ces moment délicieux de l'existence durant lesquels la vie suit simplement son cours. Aucun obstacle ne vient troubler son destin de fluide. Tout se déroule selon les circonstances…


[source image : Ezgi.Polat]

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Suite à une intervention de Google, j'ai du supprimer l'image que j'avais utilisée ici sans autorisation. Du coup, je republie…

17 commentaires:

  1. C'est beau, et surprenant... Et, au final, beau...

    Merci

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  2. Ouais, bon, pour finir, il repart la bite sous le bras...

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  3. Yann et Falconhill : merci !

    Nicolas : argh, relis moins vite ! :-))

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  4. Oups ! Désolé ! Je relis demain, plutôt, je suis un peu stressé à cause de la soirée de ce soir et de "qui tu sais" qui vient, je ne lis les blogs que d'une oreille distraite en attendant l'heure...

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  5. Ha ! J'espère qu'elle est ton complément plus que circonstanciel !!!

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  6. Décidément l'érotisme t'inspire. Quel beau portrait, quelle femme, quelle fête! On goûterait bien aussi.

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  7. Nicolas : Je t'accorde les circonstances atténuantes ! Bonne soirée au KB ! :-))

    Elmone : je suppose qu'elle l'est ! :-))

    Le coucou : merci ! C'est peut-être qu'à relire mes premiers textes de blog, ça me donne envie de refaire un peu dans le littéraire, va savoir ! :-))

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  8. Ce que j'aime dans le récit c'est qu'on en sait pas de trop.

    Et dans la photo, ben c'est qu'elle fait pareil.

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  9. Anonyme : oui et non, sur la photo, elle s'étale alors que l'auteur, plutôt non !
    Restons discret…
    :-))

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  10. Merci de votre passage qui m'amène chez vous et sur ce billet. Savez-vous que l'original de votre illustration a disparu de Flickr ? Vous avez sauvé une photo !

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  11. OlivierSC : apparemment, le photographe a fermé l'accès public à sa galerie, zut ! Je me demande si en terme de droit, je peux conserver cette image à la vue de tous ou non !!!
    Merci de l'info en tout cas ! :-)))

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  12. Oh là, c'est du grand et du bô ! bravo, on s'y croirait, et ce fut sans doute un grand moment :-)

    Seul petit truc, il y a un petit loupé dans cette phrase "Elle sort de la salle de bain munie toute sa nudité" et ce sera parfait.

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  13. Ima graula : merci mais rien n'indique que tout cela fut réel ! ;-))

    C'est corrigé ! :-)

    [Tiens je n'avais pas vu qu'il y avait aussi les commentaires de l'époque ! :-) ].

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  14. Oui mais peu importe que ce soit réel ou pas, ça tu es le seul à le savoir; nous on déguste chacune de ces phrases comme s'il on y était... ça m'inspire d'essayer de faire la même chose avec quelques histoires récentes qui me sont arrivées... donc réelles celles-là. Si le courage me prend par la main jusqu'à ouvrir un blog... who knows ?

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  15. la_graula : oh oui ! Fais-moi signe si tu le fais ! :-))

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